Jacques Brel (1929 – 1978)


(Billet à revoir / les vidéos) Pour MOI d’abord …….

La voix vers l’inaccessible étoile

 » Ne me quitte pas  »,  » Amsterdam  »,  » Vesoul  »… et tant d’autres titres viennent à l’esprit quand on évoque Jacques Brel. La puissance de ses textes, son engagement et sa sensibilité ont fait de lui une légende. Pourtant, à ses débuts et durant de longues années, le chanteur était regardé de haut, voire même méprisé par la profession.

Une enfance morose

Jacques Brel est né le 8 avril 1929 à Scharbeek, en Belgique, dans une famille d’industriels fortunés.

Le jeune Jacky ( c’est son surnom à l’époque ) s’ennuie et se sent souvent seul dans cette famille dont il ne partage pas valeurs du travail et de l’argent :  » L’argent ne m’a jamais donné de bonheur. J’ai été élevé dans l’argent ; j’ai vu toutes les saloperies qu’il fallait faire pour en avoir  » déclarera-t-il.

Il est encore adolescent quand la Seconde Guerre mondiale se termine. Jacques Brel se découvre un goût pour les histoires, la chanson et le théâtre… Mais les normes sociales qui avaient cours avant la guerre n’ont pas disparu. C’est ainsi que, malgré ses réticences, il accepte le cadre que son père lui impose, devenant directeur commercial dans l’usine familiale.

La cartonnerie  » Vanneste et Brel  », spécialisée dans les cartons d’emballage, emploie alors près de trois cents salariés. Jacques Brel s’y ennuie mortellement :  » Je ne sais pas si vous avez déjà vendu du carton, mais c’est très triste  », confiera-t-il lors d’une de ses premières interviews à la télévision.

L’évasion par la chanson

En parallèle, il poursuit ses passions. D’abord, le théâtre, puis la chanson mais dans un contexte d’action sociale.

Le besoin de solidarité, d’aider les moins chanceux ou les plus faibles, l’oriente vers un mouvement de jeunesse d’inspiration chrétienne, fondé en 1941 (pendant l’Occupation !) et qui a un rayonnement en Belgique pendant une quinzaine d’années :  »la Franche Cordée  ». Il y rencontre  » Miche  », qu’il épousera en 1950 et avec qui il aura très rapidement une fille, Chantal qui voit le jour en 1951. Deux autres filles suivront : France en 1953 et Isabelle en 1958.

Jacques Brel en avant-programme de Bobbejaan Schoepen, Ancienne Belgique, Bruxelles, 8 au 13 janvier 1955.

Pour fuir cette vie qui l’ennuie, Jacques Brel écrit et compose sur sa guitare. Comment se l’est-il procurée ?  » Une piste plausible est la complicité de sa mère ou de sa grand-mère  » écrit Jacques Vassal dans sa biographie du chanteur Jacques Brel  »Vivre debout  ».

En 1951, il commence à chanter dans des cabarets, sous le pseudonyme de Jacques  » Bérel  », son père refusant qu’il utilise son nom pour des activités qu’il réprouve. Mais il ne fait pas de doute qu’il est au courant du contenu des chansons de Jacques. Un  » ami de la famille  », ayant assisté à un concert, lui aurait même rapporté sa gêne en entendant Jacques (un comble pour un cadre de l’industrie) chanter ce couplet :  »Les carreaux de l’usine / Moi j’irai les casser  ».

La colère de fils de nanti est perceptible et l’on sent poindre ce rejet de la bourgeoise qui ne fera que s’accentuer avec le temps. » Les bourgeois c’est comme les cochons / Plus ça devient vieux plus ça devient con », chante-t-il en 1962.

Un soir d’août 1953, il se présente dans un concours de chansons sur Radio-Hasselt (une province du Limbourg). Sa mère, Lisette Brel, au contraire de son mari, soutient son fils : elle demande à ses amis et connaissances d’écrire à la station. À la demande  » générale  », Jacques est réinvité la semaine suivante !

La même année, il enregistre un premier disque. Est-ce le début de la gloire ? Pas du tout ! Quand il participe à un concours de chant au casino de Knokke-le-Zoute, il est classé avant-dernier, 27ème sur 28 participants.

Galère parisienne

À Paris, Jacques Canetti responsable artistique pour le label de musique Philips, a entendu les quelques chansons composées par Jacques Brel et devine leur potentiel. En revanche, il est décontenancé par le physique et le style atypique du jeune Belge. Il le lui dit sans détour :  » Vous ne comptez pas chanter vous-même, avec votre physique ?  » Cela en découragerait certains mais pas Jacques Brel qui, sur les conseils de Canetti

J.Canetti.

, décide de tenter sa chance à Paris.

Jacques Brel sur la scène des Trois baudets.à Paris en 1953.Laissant en Belgique son épouse Miche et ses filles, Brel s’installe dans une petite chambre d’hôtel à Montmartre. Minable mais pratique, car proche de la salle de concert des Trois-Baudets fondée par Jacques Canetti et où Jacques Brel va se produire régulièrement.

C’est aux Trois Baudets qu’il rencontre Georges Brassens

.avec qui il restera ami jusqu’à sa disparition. Si Brassens vient de débuter avec succès, Brel rencontre quant à lui plus de difficulté : le public le trouve piètre interprète et empoté.

Sur scène, il porte un costume marron qui le fait ressembler à un homme d’Église et il interprète des chansons moralisatrices qui ne séduisent pas le public parisien. Le succès n’est pas au rendez-vous et moins d’un mois après ses débuts, Jacques Brel est déprogrammé des » Trois Baudets  ».

Cela ne l’empêche pas de persévérer.  » Le talent, ça n’existe pas. Le talent, c’est d’avoir envie de faire quelque chose  », dira-t-il. Et de l’envie, Jacques Brel en a à revendre. Il court les auditions et enchaîne les petits cachets pour survivre. Il se nourrit de bières, de sandwichs. Sa santé générale se détériore à cause de l’épuisement et de ce mauvais régime alimentaire.

Disque Philips 1955.Dans les médias, la censure existe toujours. À la radio nationale, la RDF (qui deviendra RTF, puis ORTF) enchaîne les bulletins d’information très conformistes dans le ton et dans le contenu. En matière de chanson, la diffusion est soumise à la bienséance. C’est ainsi que la plupart des premières œuvres de Brassens, comme Le GorilleLe Mauvais Sujet repenti ou La Mauvaise Réputation, sont interdites d’antenne.

Ce sont d’ailleurs des stations de radio dites  »périphériques  » comme Europe 1, Radio-Luxembourg (futur RTL) et Radio Monte-Carlo installées hors du territoire national et donc du monopole de la RDF qui, les premières, vont oser diffuser Brassens, Ferré et bientôt Brel qui s’impose en chanteur pacifiste et anti-militariste avec  » Le Diable ça va  », dont les paroles font référence à la Seconde guerre Mondiale et au régime nazi.

L’émotion de Juliette Gréco

Juliette Gréco dans le magazine V du 2 décembre 1951.En 1954, Juliette Gréco, qui est déjà une vedette, reçoit Jacques Brel dans son salon et lui demande de chanter son répertoire. Juliette Gréco raconte :
 » Il avait l’air d’un loup, d’un animal un peu sauvage, avec une guitare au bout d’un bras très long. Il a commencé à chanter et moi j’ai commencé à fondre, à me dissoudre. J’étais éblouie, émerveillée. J’ai dit :  »Je ne veux pas chanter ce que vous chantez. Vous allez les chanter tout seul.  » Juliette Gréco ajoute tout de même ‘‘ Le diable (ça va)  » à son répertoire. Cette chanson sera la première d’une série de chansons antimilitaristes.
En 1959,  » La Colombe  » fait scandale en exhortant à la paix en pleine guerre d’Algérie :  »Pourquoi cette fanfare / Quand les soldats par quatre / Attendent les massacres / Sur le quai d’une gare  »…

Jacques Brel avec des fans féminines après les enregistrements télévisés du spectacle Domino de Karel Prior et Thijs Chanowski au théâtre Marcanti, Amsterdam, 1962.

Le succès, enfin !

La situation financière de Jacques Brel s’est améliorée mais le succès escompté par Jacques Canetti n’est toujours pas au rendez-vous. Un jour, ce dernier conseille au chanteur d’écrire une histoire d’amour qu’il chante pour la toute première fois à sa mère, alors que le texte n’est pas encore terminé. Il s’agit de  »Quand on n’a que l’amour  » sorti en 1956. Enfin le succès !

En 1957, son second 33 tours reçoit le grand prix de l’académie Charles Cros. Fin 1958, Brel fait un triomphe à l’Olympia. Dans la foulée, il crée son immense chef-d’œuvre :  » Ne me quitte pas » après sa rupture avec l’actrice Suzanne Gabriello.

Vont suivre  » Madeleine  » en 1962, ainsi que  » Le plat pays  » puis  » Amsterdam  » en 1964. Ces deux dernières chansons, en évoquant les origines du chanteur, lui permettent d’exprimer ses rapports complexes avec la Belgique. Brel se présente volontiers comme  » Bruxellois de souche flamande  », son père étant né d’une famille flamande conservatrice devenue francophone. Ainsi, le chanteur déclare :  » Je me sens plus Flamand que Belge. La Belgique est une notion géographique  ».

Les tournées et les disques s’enchaînent à un rythme effréné. Brel est fatigué par ses concerts et la vie nocturne qu’il mène. Il ne supporte plus l’inquisition des  »paparazzis » ou des journalistes. L’une de ses spécificités est qu’il a en horreur la société médiatique.

L’hypocrisie,  » la facilité à faire semblant  » (Grand Jacques, 1954) des adultes révulsent le chanteur qui, quant à lui, écorché vif, ne sait pas duper les autres. Sans doute est-ce pour cela que, lassé, le chanteur décide de faire ses adieux à la scène en 1967 au Casino de Roubaix. Les 1800 places de cette salle de concert provinciale s’arrachent en quelques heures.

Deux générations de chanteurs  » s’affrontent  »

À l’heure où Jaques Brel quitte la scène, Johnny Hallyday, Eddy Mitchell, Sylvie Vartan, Sheila, Claude François, Dalida, Les Chaussettes noires, etc. qui représentent la vague yéyé emportent tout sur leur passage et la jeunesse avec eux. Jacques Brel (tout comme Georges Brassens, Léo Ferré et les chanteurs de la génération précédente) gardent quant à eux un public bourgeois, intellectuel ou politiquement engagé.

Metteur en scène et spectacles musicaux

S’il ne fait plus de concerts, Jacques Brel ne reste pas inactif pour autant. Il sort l’album  » J’arrive  » (comprenant notamment la chanson  » Vesoul ) un an après ses adieux et décide d’adapter et de monter en français un spectacle de Broadway. Il s’agit de  »Man of La Mancha  », librement adapté du  »Don Quichotte » de Cervantès.

Jacques Brel négocie lui-même avec les producteurs américains très réticents, les droits à l’adaptation française. Il n’obtient leur accord qu’après avoir passé une audition, tel un débutant ! De décembre 1968 à mai 1969,  »L’Homme de la Mancha » fait salle comble au théâtre des Champs-Élysées.

Couverture de l'enregistrement original de la distribution Jacques Brel is Alive and Well and Living in Paris.Décidément, les spectacles musicaux portent chance à Jacques Brel. En 1968, un musical new-yorkais fait entrer le nom du chanteur dans le paysage culturel américain. » Jacques Brel is alive and well and living in Paris  »est créé par un admirateur américain du chanteur, Mort Shuman

Mort Shuman

, qui adapte une vingtaine de titres de son répertoire.

Pendant cinq ans, le spectacle reste à l’affiche sur Broadway avant d’être repris plus tard par d’autres troupes qui le propagent en tournées à travers les États-Unis. Détail amusant, note Jacques Vassal :  » De nombreux Américains croient qu’il s’agit d’une création cent pour cent américaine et que Jacques Brel est un personnage imaginaire »

Acteur et réalisateur de cinéma

En parallèle de son activité musicale, Jacques Brel fait ses premiers pas au cinéma dans le film  »Les Risques du métier » d’André Cayatte en 1967. Il y joue le rôle d’un instituteur provincial confronté à la fragilité des témoignages d’enfants, dans une affaire de prétendue tentative de viol.

Les risques du métier d'André Cayatte. Agrandissement : Mon oncle Benjamin d’Édouard MolinaroLa sensibilité, le charisme de Jacques Brel lui donnent une profondeur humaine grâce à laquelle il crève l’écran. Cayatte aura, dix ans plus tard, ce commentaire  » La venue de Brel au cinéma, c’était un cadeau pour le cinéma français.  »

Brel apparaît aussi dans  »La Bande à Bonnot  », de Philippe Fourastié, puis dans  »Mon oncle Benjamin », d’Édouard Molinaro, un immense succès populaire. Il joue encore en 1971 dans  »Les assassins de l’ordre  »de Marcel Carné. Conscient de la chance qu’il a de tourner avec l’un des derniers monstres sacrés du cinéma français, il le regarde travailler et saisit l’occasion de visionner tous les rushes pour assimiler les techniques du montage.

C’est que, sous l’acteur, perce le réalisateur. En effet, en 1971, il réalise lui-même un film,  »Franz  », dont il partage l’affiche avec la chanteuse Barbara. Il clôt sa carrière cinématographique sur un ultime succès avec  »L’Emmerdeur  »d’Édouard Molinaro, dans un duo hilarant avec Lino Ventura.

Atteint d’un cancer du poumon, Brel se lance dans un tour du monde sur son voilier en 1975. Diminué, épuisé par cette aventure, il suit les conseils de sa dernière compagne, Maddly Bamy, et interrompt sa traversée pour poser son sac aux îles Marquises. Il y enregistre son dernier 33 Tours, » Les Marquises  », en 1977 et s’éteint le 9 octobre 1978 à Bobigny dans la banlieue parisienne. Il est enterré à Hiva Oa, une île de l’archipel des Marquises, comme Paul Gauguin.

 » Vivre debout  »

Statue de Jacques Brel exposée à Vesoul.Jacques Vassal, membre de l’Académie Charles-Cros, est l’un des grands spécialistes de la chanson française. Sa biographie, » Jacques Brel, Vivre debout  » (enrichie d’un cahier photo et d’une chronologie des dates clés de la vie et de la carrière de Brel ) est l’occasion de revenir sur le parcours atypique d’un des plus grands auteurs compositeurs interprètes du XXe siècle et de relire des textes réalistes et poétiques qui trouvent toujours un écho, 35 ans après la mort de leur auteur.


Monsieur Brassens


De sa carrière de petit cambrioleur à ses années anarchistes en passant par son amour des ménages à trois :La vie cachée du  » guitariste moustachu » le plus connu de France.

Georges aurait dû s’appeler Jules

Le seul enfant de Elvira et Jean-Louis Brassens est né le 22 octobre 1921. Le père est un solide maçon, athée. La mère, une pieuse Italienne, veuve de guerre et déjà mère d’une petite Simone. Le prénom du futur bébé a été décidé : il s’appellera Jules, comme son grand-père paternel. Mais quelques jours avant la naissance, le frère de Jean-Louis, prénommé Georges, tombe dans l’étang en plein hiver et meurt peu après d’une pleurésie. En hommage à son oncle décédé, le nouveau-né portera finalement son prénom, Georges.

Jeune délinquant, Georges Brassens terrorise Sète

A 17 ans, avec ses copains Emile Miramont

Brassens avec E.Miramont

, Loulous Bestiou et Robert Bayle, Brassens se lance dans une série de cambriolages . Pendant plusieurs semaines, les apprentis monte-en-l’air vont sévir dans Sète. Brassens dérobe même un bracelet et une bague à sa demi-sœur. Il les refourgue aux sœurs Bouillon, bijoutières du centre-ville qui les écoulent dans l’arrière-salle de leur boutique. Mais les receleuses se font pincer, et avec elles, la petite bande. A son procès, en juin 1939, Georges est condamné à de la prison avec sursis. La presse locale livre le nom de Brassens en pâture. Après un été reclus, durant lequel il se fait pousser la moustache, autant par négligence que par ennui, Georges fuit sa mauvaise réputation pour gagner Paris en février 1940. (Entre-temps, la guerre a été déclarée ).

Georges Brassens est adepte du ménage à trois !

En 1942, Brassens est à Paris où il passe ses journées à se forger une culture littéraire et poétique. Il est logé par sa tante Antoinette dans le 14e arrondissement. Celle-ci lui présente une amie couturière, Jeanne Planche, née  »Le Bonniec  ». Elle tombe sous le charme du jeune homme, de trente ans son cadet. S’ensuit une romance qui sera interrompue en 1943 par le départ de Brassens pour le Service du travail obligatoire en Allemagne imposé aux jeunes Français. A son retour, Georges s’installe chez Jeanne. Mais voilà, elle est mariée à Marcel. Qu’à cela ne tienne, ces trois-là vont bien s’entendre ! Dans leur modeste logis, impasse Florimont, Jeanne va devenir sa muse, sous l’œil bienveillant de son mari Marcel. C’est Jeanne qui lui offre sa première guitare et l’aide à éditer ses premiers ouvrages. Tout en faisant preuve d’une jalousie féroce : aucune des conquêtes de Georges n’a le droit de venir à l’impasse. Quand Jeanne se remarie après la mort de Marcel, en 1966, Brassens quitte l’impasse.

Georges Brassens joue dans un camp de travail en Allemagne en 1943

Le 8 mars 1943, il est embarqué par la police et doit se soumettre au S T O. Direction Basdorf, dans la banlieue de Berlin. Entre deux rotations dans une usine BMW, il plaque quelques accords sur un vieux piano découvert dans une salle du camp de travailleurs. Pour distraire ses camarades d’infortune, il s’y installe et accompagne son ami René Riskin qui chante. Au programme Trenet bien sûr, mais aussi des chansons que personne ne connaît. Ce sont celles de Brassens. Il y a déjà ‘Le Mauvais Sujet repenti  » ou Pauvre Martin  ». En mars 1944, il profite d’une permission pour rentrer à Paris… et ne plus revenir. Il se cache dans la capitale jusqu’à la fin de la guerre.

Pauvre ou riche, Georges Brassens tient à son taudis

Brassens a vécu vingt-deux ans (de façon interrompue à partir de 1942) dans la petite maison sans eau ni électricité de Jeanne, impasse Florimont. Un vrai zoo ! Dans la courette, une tripotée de chiens et chats errants, quelques canards, des tortues, et une grande bassine pour faire sa toilette. Brassens vit là, sans un sou. Ses amis lui portent de la nourriture et Jeanne glane sur les marchés de quoi faire bouillir la marmite. C’est au milieu de ce taudis insolite que naissent quelques unes des plus grandes chansons de Brassens, dont  »Chanson pour l’Auvergnat  »(1954) en hommage à Marcel. Une fois le succès acquis, Georges, qui affirme avoir « un sens de l’inconfort exceptionnel » ne déménage pas. Il fera tout de même installer l’électricité à l’impasse, qu’il ne quittera qu’en 1966.

Georges Brassens, un anarchiste ami des curés

Brassens l’anticlérical se reconnaît dans l’anarchisme . En 1945, il crée l’éphémère  »parti préhistorique » qui prône le retour à la vie primitive. S’il signe des articles pour Le Monde libertaire en 1946 et 1947, il s’éloigne du militantisme mais dans ses textes, policiers et curés en prennent pour leur grade. Mais Brassens n’en conserve pas moins le goût de l’amitié. Ainsi parmi ses proches, on trouve l’abbé Robert Barrès ou le père André Sève (qui publiera en 1975 un livre de leurs conversations ). Dans  » La Messe au pendu  », issu de son dernier disque en 1976, Georges écrira : « Mais ces hommes d’Eglise hélas / ne sont pas tous des dégueulasses.« 

Son buzz littéraire tombe à l’eau

En 1947, Brassens publie à compte d’auteur  »La Lune écoute aux portes  ». Il s’agit d’un roman surréaliste délirant, avec des personnages hauts en couleur et un ton volontiers grivois. Dans cette fiction, l’écrivain François Mauriac y reçoit le titre de « président de la secte occulte des masturbateurs frénétique« … Pour la couverture, Brassens décide de copier celle des éditions Gallimard. Il y ajoute même le sigle NRF,( Nouvelle revue française ), collection de l’éditeur interdite à la Libération pour collaboration. Il envoie son plagiat à l’éditeur avec ses mots : « Je n’ai pas voulu vous faire perdre du temps précieux, certain ,par avance de votre accord. Malgré votre renommée de voleur monstrueux (…), je vous désigne comme mon éditeur.«  Brassens rêve d’un petit buzz. Mais la maison d’édition ne relève même pas.

Bardot, Montand et Chevalier recalent ses chansons

Dans les années 1940, Brassens écrit des centaines de poèmes. Aux puces de la porte de Vanves, il croise par hasard son ancien professeur de 3e, Alphonse Bonnaffé, celui qui lui a donné le goût des belles lettres. Que pense le professeur de ses textes ? « Un peu gauche », lui répond il. Le verdict est sec. Pour Brassens, fini les poèmes ! Il écrira des chansons, c’est plus facile que d’essayer d’égaler Villon. Au début des années 1950, il propose  »Le Parapluie  » à Yves Montand. Refus. Puis  » La File Indienne  » à Maurice Chevalier. Idem. Brigitte Bardot boudera aussi  »Marguerite ». Brassens garde le moral. Mais son estomac est vide.

Georges Brassens vit séparé de la femme de sa vie

Un soir de 1946, au métro Plaisance, Brassens remarque une fille. Elle s’appelle Joha Heiman. C’est une comédienne estonienne, de neuf ans son aînée. Un jour, il ose l’aborder. « On est allé jusqu’au boulevard Brune, il y avait une vieille gare, on ne pouvait plus se quitter, on a parlé, parlé… » raconte-t-elle dans un entretien en 1993. Brassens en tombe fou amoureux. Mais pas question de s’installer avec elle. Il continue d’habiter chez Jeanne et voit Joha trois fois par semaine à 15 heures. « A partir de 14 heures, je suis heureux, j’ai rendez-vous avec elle« , raconte-t-il en 1979 dans  » VSD ». Celle qu’il surnomme Puppchen, « petite poupée » en allemand, restera sa compagne jusqu’à sa mort. Elle lui inspire  »La Non-demande en mariage » où il expose son refus du couple conventionnel : « J’ai l’honneur de ne pas te demander ta main / ne gravons pas nos noms au bas d’un parchemin. »

Georges Brassens monte sur scène à contrecœur

En 1952, devant son incapacité à placer ses chansons, il se résigne à les interpréter lui-même. L’homme volontiers bavard en société est pétri de stress quand il chante, semblant ne dégager aucune émotion. Résultat : au  »Caveau de la République » comme au  »Lapin à Gil », il fait  »un bide  ». Le public bruyant et ivre ne lâche pas un sourire. Brassens est déprimé. Mais son ami d’enfance Victor Laville

Victor Laville

lui décroche une audition chez Patachou, la célèbre chanteuse qui vient d’ouvrir son cabaret à Montmartre. Il s’y rend la boule au ventre. Mais Patachou est conquise. Le 6 mars 1952, la chanteuse le présente à l’assistance : « Il ne sait pas tellement bien chanter, il ne sait pas tellement bien jouer de la guitare, il ne sait pas tellement bien se tenir en public, visiblement il n’aime pas ça, mais si vous voulez passer un moment agréable, restez. » Le public est resté. Et ne l’a plus jamais lâché.

On l’insulte en concert

Brassens a souvent choqué : dix-neuf de ses chansons ont été interdites à la radio !. En 1964, nouvelle polémique. Le journal  »Libération  »évoque un chanteur qui serait « en train de mal tourner« . A Bobino, un spectateur se lève pendant le récital et crie : « salaud ! » Qui a-t-il vexé ? Les policiers ? Les curés ? Non, les résistants ! La chanson  »Les Deux Oncles » raconte l’histoire de deux Français pendant la guerre : « L’un aimait les Tommies (anglais), l’autre aimait les Teutons (allemands) » , qu’il renvoie dos à dos ! « De vos épurations, vos collaborations/ Tout le monde s’en fiche à l’unanimité. » Brassens n’a-t-il pas  » poussé le bouchon » du pacifisme un peu loin ?

Georges Brassens joue à l’Olympia en souffrant le martyre

Du 6 au 25 décembre 1962, Brassens doit assurer une série de concerts à l’Olympia. Mais la veille de la première date, Georges doit être hospitalisé. Depuis ses 25 ans, il souffre de coliques néphrétiques : ( une obstruction des voies urinaires par un calcul, provoquant des douleurs épouvantables ). Le directeur de la salle, Bruno Coquatrix, le somme de jouer. Brassens honorera toutes les dates avec un dispositif particulier : une piqûre antidouleurs avant chaque tour de chant, toutes les nuits en clinique, et, dans les coulisses, Jacques Brel qui se tient prêt à remplacer au pied levé son confrère!!!! Opéré du rein gauche après cette série de récitals, il refusera par la suite de se produire à l’Olympia.

Un amateur de jazz capable d’écrire des mélodies simples

Pour chaque chanson, Brassens crée sur son piano jusqu’à huit musiques pour un même texte. Surtout, il développe un style. Boris Vian, qui l’évoque en 1958, insiste sur « sa façon d’attaquer un peu en retard sur l’accompagnement  ». (…) La fraicheur de son expression l’apparentent d’ailleurs aux chanteurs folkloriques noirs. » Enfant, Georges a autant été bercé par le swing de Trenet que par le jazz  de Louis Armstrong ou Duke Ellington. En 1936, il forme un groupe de jazz où il est à la batterie ! Mais dans ces chansons, juste une guitare, parfois deux, et une contrebasse. C’est tout. Brassens assume le minimalisme de son accompagnement. « Comme de la musique de film, il ne faut pas qu’on l’entende trop … , confie-t-il en 1979. Il faut que ceux qui m’écoutent croient que je fais des petites musiquettes facile. » Mais les oreilles affutées de l’époque n’étaient pas dupe. Dès 1954, les clarinettistes Sydney Bechet et André Réwéliotty revisitent ses chansons avec un orchestre de jazz.

Un répertoire qui fait le tour du monde

Le succès de Brassens dépasse les frontières. A partir de 1955, il donne des récitals au Maghreb, en Belgique, en Suisse, au Québec mais aussi des des pays non francophones comme le Royaume-Uni ou l’Italie. Mais le chanteur n’aime pas trop partir à l’étranger. Alors ses chansons parcourent le monde sans lui et sont adaptées en russe, en japonais, en anglais, en créole, en italien, en portugais, en arabe… Avec plus de trente langues, il est l’auteur-compositeur français le plus traduit.

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Quelques photos :

Georges Brassens et ses amis à Paris : Jeanne Planche (l), Rene Fallet , Marcel Planche et Pierre Onteniente( 1960)
Patachou
 » Le déserteur  » de B.Vian chanté par Brassens ….(Moi = plus de son grrrr alors j’ai mis les paroles mais????)
Impasse Florimont


Dès le début de l’impasse, une photo géante et une petite plaque en marbre rose rendent hommage au poète. Un bas-relief en bronze réalisé par le chanteur Renaud orne la maison de Georges Brassens, ainsi que trois chats en terre cuite, réalisés par le potier Michel Mathieu en mémoire des nombreux félins dont Jeanne raffolait, et qui faisaient partie intégrante de l’impasse. Si la ruelle n’a rien perdu de son esprit chaleureux et accueillant, elle est aujourd’hui dans un bien meilleur état qu’à l’époque de Brassens!

Discours de l’abbé Tillieu
Pour finir Brassens et  » la Jeanne » Billet long ,trop long ? pfffffffffffff! ( pas pour moi qui me suis  » ré galé  »,mais pour mes rares lecteurs éventuels )La vidéo est  »vieille » dommage .

C’était il y a…


……120 ans! :

Décès de Monsieur Georges Brassens :

22 octobre 1921 – 29 octobre 1981

Biographie Georges Brassens

Originaire de Cette (on écrit aujourd’hui Sète), petit port du Languedoc, le futur poète  » monte  » à Paris en février 1940 ( environ à 21 ans) Il trouve asile chez sa tante Antoinette

 »tante Antoinette »

et apprend la musique sur son piano.

Anarchiste et pacifiste de cœur, il est indifférent au contexte dramatique de l’époque. En 1943, il est envoyé dans un camp de travailleurs à Basdorf, près de Berlin, au titre du S.T.O (Service Obligatoire du Travail) . Il s’enfuit un an plus tard, à la faveur d’une permission, et se réfugie chez Jeanne et Marcel Planche

Jeanne Planche (l), René Fallet (foreground on l), Marcel Planche ,Pierre Onteniente, ( 1960)

, au 9, impasse Florimont (14e arrondissement). Il y restera 22 ans. Pour Jeanne, il écrit La cane de Jeanne et pour Marcel, qui tient un bistrot dans la rue d’Alésia voisine, sa plus célèbre chanson : L’Auvergnat.

Pour sa compagne  »Pupchen  »

Avec  »Pupchen »

, rencontrée en 1947 et à laquelle il restera toujours fidèle, il écrit aussi La non demande en mariage. Ayant abandonné le piano pour la guitare en 1951, il multiplie les auditions sans succès. Au bord du découragement, le 24 janvier 1952, il obtient enfin sa chance grâce à la chanteuse Patachou

Patachou

qui l’a pris en affection et, malgré son trac, accepte de le produire dans son cabaret de Montmartre. La consécration vient deux ans plus tard, le 23 septembre 1954 ( il a 33 ans ), à l’Olympia.

quelques chansons ( textes )

Les Copains d’abord

Non, ce n’était pas le radeau
De la Méduse, ce bateau
Qu’on se le dise au fond des ports
Dise au fond des ports
Il naviguait en père peinard
Sur la grand-mare des canards
Et s’appelait les Copains d’abord
Les Copains d’abord

Ses fluctuat nec mergitur
C’était pas d’la littérature
N’en déplaise aux jeteurs de sort
Aux jeteurs de sort
Son capitaine et ses matelots
N’étaient pas des enfants d’salauds
Mais des amis franco de port
Des copains d’abord

C’était pas des amis de luxe
Des petits Castor et Pollux
Des gens de Sodome et Gomorrhe
Sodome et Gomorrhe
C’était pas des amis choisis
Par Montaigne et La Boétie
Sur le ventre, ils se tapaient fort
Les copains d’abord

C’était pas des anges non plus
L’Évangile, ils l’avaient pas lu
Mais ils s’aimaient toutes voiles dehors
Toutes voiles dehors
Jean, Pierre, Paul et compagnie
C’était leur seule litanie
Leur Credo, leur Confiteor
Aux copains d’abord

Au moindre coup de Trafalgar
C’est l’amitié qui prenait l’quart
C’est elle qui leur montrait le nord
Leur montrait le nord
Et quand ils étaient en détresse
Qu’leurs bras lançaient des S.O.S
On aurait dit des sémaphores
Les copains d’abord

Au rendez-vous des bons copains
Y avait pas souvent de lapins
Quand l’un d’entre eux manquait à bord
C’est qu’il était mort
Oui, mais jamais, au grand jamais
Son trou dans l’eau n’se refermait
Cent ans après, coquin de sort
Il manquait encore

Des bateaux j’en ai pris beaucoup
Mais le seul qu’ait tenu le coup
Qui n’ait jamais viré de bord
Mais viré de bord
Naviguait en père peinard
Sur la grand-mare des canards
Et s’appelait les Copains d’abord
Les Copains d’abord

Des bateaux j’en ai pris beaucoup
Mais le seul qu’ait tenu le coup
Qui n’ait jamais viré de bord
Mais viré de bord
Naviguait en père peinard
Sur la grand-mare des canards
Et s’appelait les Copains d’abord
Les Copains d’abord

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 » La mauvaise réputation  »:

Au village, sans prétention
J’ai mauvaise réputation
Qu’je me démène ou que je reste coi
Je passe pour un je-ne-sais-quoi

Je ne fais pourtant de tort à personne
En suivant mon chemin de petit bonhomme

Mais les braves gens n’aiment pas que
L’on suive une autre route qu’eux
Non, les braves gens n’aiment pas que
L’on suive une autre route qu’eux

Tout le monde médit de moi
Sauf les muets, ça va de soi

Le jour du 14 juillet
Je reste dans mon lit douillet
La musique qui marche au pas
Cela ne me regarde pas

Je ne fais pourtant de tort à personne
En n’écoutant pas le clairon qui sonne

Mais les braves gens n’aiment pas que
L’on suive une autre route qu’eux
Non, les braves gens n’aiment pas que
L’on suive une autre route qu’eux

Tout le monde me montre au doigt
Sauf les manchots, ça va de soi

Quand j’croise un voleur malchanceux
Poursuivi par un cul-terreux
J’lance la patte et, pourquoi le taire?
Le cul-terreux se retrouve par terre

Je ne fais pourtant de tort à personne
En laissant courir les voleurs de pommes

Mais les braves gens n’aiment pas que
L’on suive une autre route qu’eux
Non, les braves gens n’aiment pas que
L’on suive une autre route qu’eux

Tout le monde se rue sur moi
Sauf les cul-de-jatte, ça va de soi

Pas besoin d’être Jérémie
Pour deviner le sort qui m’est promis
S’ils trouvent une corde à leur goût
Ils me la passeront au cou

Je ne fais pourtant de tort à personne
En suivant les chemins qui ne mènent pas à Rome

Mais les brave gens n’aiment pas que
L’on suive une autre route qu’eux
Non, les braves gens n’aiment pas que
L’on suive une autre route qu’eux

Tout le monde viendra me voir pendu
Sauf les aveugles, bien entendu

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Les Amoureux des bancs publiques :

Les gens qui voient de travers pensent que les bancs verts
Qu’on voit sur les trottoirs
Sont faits pour les impotents ou les ventripotents
Mais c’est une absurdité car à la vérité, ils sont là c’est notoire
Pour accueillir quelque temps les amours débutants

Les amoureux qui s’bécotent sur les bancs publics
Bancs publics, bancs publics
En s’foutant pas mal du regard oblique des passants honnêtes
Les amoureux qui s’bécotent sur les bancs publics
Bancs publics, bancs publics
En s’disant des « je t’aime » pathétiques
Ont des petites gueules bien sympathiques

Ils se tiennent par la main, parlent du lendemain, du papier bleu d’azur
Que revêtiront les murs de leur chambre à coucher
Ils se voient déjà doucement elle cousant, lui fumant dans un bien-être sûr
Et choisissent les prénoms de leur premier bébé

Les amoureux qui s’bécotent sur les bancs publics
Bancs publics, bancs publics
En s’foutant pas mal du regard oblique des passants honnêtes
Les amoureux qui s’bécotent sur les bancs publics
Bancs publics, bancs publics
En s’disant des « je t’aime » pathétiques
Ont des p’tites gueules bien sympathiques

Quand la sainte famille machin croise sur son chemin deux de ces malappris
Elle leur décoche hardiment des propos venimeux
N’empêche que toute la famille
Le père, la mère, la fille, le fils, le Saint Esprit
Voudrait bien de temps en temps pouvoir s’conduire comme eux

Les amoureux qui s’bécotent sur les bancs publics
Bancs publics, bancs publics
En s’foutant pas mal du regard oblique des passants honnêtes
Les amoureux qui s’bécotent sur les bancs publics
Bancs publics, bancs publics
En s’disant des « je t’aime » pathétiques
Ont des p’tites gueules bien sympathiques

Quand les mois auront passé, quand seront apaisés leurs beaux rêves flambants
Quand leur ciel se couvrira de gros nuages lourds
Ils s’apercevront émus qu’c’est au hasard des rues sur un d’ces fameux bancs
Qu’ils ont vécu le meilleur morceau de leur amour

Les amoureux qui s’bécotent sur les bancs publics
Bancs publics, bancs publics
En s’foutant pas mal du regard oblique des passants honnêtes
Les amoureux qui s’bécotent sur les bancs publics
Bancs publics, bancs publics
En s’disant des « je t’aime » pathétiques
Ont des p’tites gueules bien sympathiques

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Chanson pour l’Auvergnat :

Elle est à toi, cette chanson
Toi, l’Auvergnat qui, sans façon
M’as donné quatre bouts de bois
Quand dans ma vie il faisait froid
Toi qui m’as donné du feu quand
Les croquantes et les croquants
Tous les gens bien intentionnés
M’avaient fermé la porte au nez

Ce n’était rien qu’un feu de bois
Mais il m’avait chauffé le corps
Et dans mon âme il brûle encore
À la manière d’un feu de joie

Toi, l’Auvergnat quand tu mourras
Quand le croque-mort t’emportera
Qu’il te conduise, à travers ciel
Au Père éternel

Elle est à toi, cette chanson
Toi, l’hôtesse qui sans façon
M’as donné quatre bouts de pain
Quand dans ma vie il faisait faim
Toi qui m’ouvris ta huche quand
Les croquantes et les croquants
Tous les gens bien intentionnés
S’amusaient à me voir jeûner

Ce n’était rien qu’un peu de pain
Mais il m’avait chauffé le corps
Et dans mon âme il brûle encore
À la manière d’un grand festin

Toi l’hôtesse quand tu mourras
Quand le croque-mort t’emportera
Qu’il te conduise à travers ciel
Au Père éternel

Elle est à toi cette chanson
Toi, l’étranger qui sans façon
D’un air malheureux m’as souri
Lorsque les gendarmes m’ont pris
Toi qui n’as pas applaudi quand
Les croquantes et les croquants
Tous les gens bien intentionnés
Riaient de me voir amené

Ce n’était rien qu’un peu de miel
Mais il m’avait chauffé le corps
Et dans mon âme il brûle encore
À la manière d’un grand soleil

Toi l’étranger quand tu mourras
Quand le croque-mort t’emportera
Qu’il te conduise, à travers ciel
Au Père éternel

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Le gorille :

C’est à travers de larges grilles
Que les femelles du canton
Contemplaient un puissant gorille
Sans souci du qu’en-dira-t-on
Avec impudeur, ces commères
Lorgnaient même un endroit précis
Que, rigoureusement, ma mère
M’a défendu d’nommer ici
Gare au gorille!

Tout à coup la prison bien close
Où vivait le bel animal
S’ouvre, on n’sait pourquoi, je suppose
Qu’on avait dû la fermer mal
Le singe, en sortant de sa cage
Dit « c’est aujourd’hui que j’le perds! »
Il parlait de son pucelage
Vous aviez deviné, j’espère!
Gare au gorille!

L’patron de la ménagerie
Criait, éperdu « nom de nom!
C’est assommant, car le gorille
N’a jamais connu de guenon! »
Dès que la féminine engeance
Sut que le singe était puceau
Au lieu de profiter de la chance
Elle fit feu des deux fuseaux!
Gare au gorille!

Celles-là même qui, naguère
Le couvaient d’un œil décidé
Fuirent, prouvant qu’elles n’avaient guère
De la suite dans les idées
D’autant plus vaine était leur crainte
Que le gorille est un luron
Supérieur à l’homme dans l’étreinte
Bien des femmes vous le diront!
Gare au gorille!

Tout le monde se précipite
Hors d’atteinte du singe en rut
Sauf une vieille décrépite
Et un jeune juge en bois brut
Voyant que toutes se dérobent
Le quadrumane accéléra
Son dandinement vers les robes
De la vieille et du magistrat!
Gare au gorille!

« Bah! soupirait la centenaire
Qu’on pût encore me désirer
Ce serait extraordinaire
Et, pour tout dire, inespéré! »
Le juge pensait, impassible
« Qu’on me prenne pour une guenon
C’est complètement impossible »
La suite lui prouva que non!
Gare au gorille!

Supposez que l’un de vous puisse être
Comme le singe, obligé de
Violer un juge ou une ancêtre
Lequel choisirait-il des deux?
Qu’une alternative pareille
Un de ces quatre jours, m’échoie
C’est, j’en suis convaincu, la vieille
Qui sera l’objet de mon choix!
Gare au gorille!

Mais, par malheur, si le gorille
Aux jeux de l’amour vaut son prix
On sait qu’en revanche il ne brille
Ni par le goût ni par l’esprit
Lors, au lieu d’opter pour la vieille
Comme l’aurait fait n’importe qui
Il saisit le juge à l’oreille
Et l’entraîna dans un maquis!
Gare au gorille!

La suite serait délectable
Malheureusement, je ne peux
Pas la dire, et c’est regrettable
Ça nous aurait fait rire un peu
Car le juge, au moment suprême
Criait « maman! », pleurait beaucoup
Comme l’homme auquel, le jour même
Il avait fait trancher le cou
Gare au gorille!

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Je me suis fait tout petit

Je n’avais jamais ôté mon chapeau
Devant personne
Maintenant je rampe et je fais le beau
Quand elle me sonne
J’étais chien mchant, elle me fait manger
Dans sa menotte
J’avais des dents d’loup, je les ai changés
Pour des quenottes

Je m’suis fait tout petit devant une poupée
Qui ferme les yeux quand on la couche
Je m’suis fait tout petit devant une poupée
Qui fait « Maman » quand on la touche

J’étais dur à cuire, elle m’a converti
La fine mouche
Et je suis tombé tout chaud, tout rôti
Contre sa bouche
Qui a des dents de lait quand elle sourit
Quand elle chante
Et des dents de loup, quand elle est furie
Qu’elle est méchante

Je m’suis fait tout petit devant une poupée
Qui ferme les yeux quand on la couche
Je m’suis fait tout petit devant une poupée
Qui fait « Maman » quand on la touche

Je subis sa loi, je file tout doux
Sous son empire
Bien qu’elle soit jalouse au-delà de tout
Et même pire
Une jolie pervenche qui m’avait paru
Plus jolie qu’elle
Une jolie pervenche un jour en mourut
À coups d’ombrelle

Je m’suis fait tout petit devant une poupée
Qui ferme les yeux quand on la couche
Je m’suis fait tout petit devant une poupée
Qui fait « Maman » quand on la touche

Tous les somnambules, tous les mages m’ont
Dit sans malice
Qu’en ses bras en croix, je subirai mon
Dernier supplice
Il en est de pires, il en est d’meilleurs
Mais tout prendre
Qu’on se pende ici, qu’on se pende ailleurs
S’il faut se pendre

Je m’suis fait tout petit devant une poupée
Qui ferme les yeux quand on la couche
Je m’suis fait tout petit devant une poupée
Qui fait « Maman » quand on la touche

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Le Bistrot :

Dans un coin pourri
Du pauvre Paris,
Sur un’ place,
L’est un vieux bistrot
Tenu pas un gros
Dégueulasse.

Si t’as le bec fin,
S’il te faut du vin
D’ premièr’ classe,
Va boire à Passy,
Le nectar d’ici
Te dépasse.

Mais si t’as l’ gosier
Qu’une armur’ d’acier
Matelasse,
Goûte à ce velours,
Ce petit bleu lourd
De menaces.

Tu trouveras là
La fin’ fleur de la
Populace,
Tous les marmiteux,
Les calamiteux,
De la place.

Qui viennent en rang,
Comme les harengs,
Voir en face
La bell’ du bistrot,
La femme à ce gros
Dégueulasse.

Que je boive à fond
L’eau de tout’s les fon-
tain’s Wallace,
Si, dès aujourd’hui,
Tu n’es pas séduit
Par la grâce.

De cett’ joli’ fé’
Qui, d’un bouge, a fait
Un palace.
Avec ses appas,
Du haut jusqu’en bas,
Bien en place.

Ces trésors exquis,
Qui les embrass’, qui
Les enlace?
Vraiment, c’en est trop !
Tout ça pour ce gros
Dégueulasse!

C’est injuste et fou,
Mais que voulez-vous
Qu’on y fasse ?
L’amour se fait vieux,
Il a plus les yeux
Bien en face.

Si tu fais ta cour,
Tâch’ que tes discours
Ne l’agacent.
Sois poli, mon gars,
Pas de geste ou ga-
re à la casse.

Car sa main qui claqu’,
Punit d’un flic-flac
Les audaces.
Certes, il n’est pas né
Qui mettra le nez
Dans sa tasse.

Pas né, le chanceux
Qui dégèl’ra ce
Bloc de glace.
Qui fera dans l’ dos
Les corne’ à ce gros
Dégueulasse.

Dans un coin Pourri
Du pauvre Paris,
Sur un’ place,
Une espèc’ de fé’,
D’un vieux bouge, a fait
Un palace.

Supplique pour être enterré à la plge de Sète

La Camarde qui ne m’a jamais pardonné
D’avoir semé des fleurs dans les trous de son nez
Me poursuit d’un zèle imbécile
Alors cerné de près par les enterrements
J’ai cru bon de remettre à jour mon testament
De me payer un codicille

Trempe dans l’encre bleue du Golfe du Lion
Trempe, trempe ta plume, ô mon vieux tabellion
Et de ta plus belle écriture
Note ce qu’il faudrait qu’il advînt de mon corps
Lorsque mon âme et lui ne seront plus d’accord
Que sur un seul point, la rupture

Quand mon âme aura pris son vol à l’horizon
Vers celle de Gavroche et de Mimi Pinson
Celles des titis, des grisettes
Que vers le sol natal mon corps soit ramené
Dans un sleeping du Paris-Méditerranée
Terminus en gare de Sète

Mon caveau de famille, hélas n’est pas tout neuf
Vulgairement parlant, il est plein comme un œuf
Et d’ici que quelqu’un n’en sorte
Il risque de se faire tard et je ne peux
Dire à ces braves gens « poussez-vous donc un peu »
Place aux jeunes en quelque sorte

Juste au bord de la mer, à deux pas des flots bleus
Creusez si c’est possible un petit trou moelleux
Une bonne petite niche
Auprès de mes amis d’enfance, les dauphins
Le long de cette grève où le sable est si fin
Sur la plage de la corniche

C’est une plage où même à ses moments furieux
Neptune ne se prend jamais trop au sérieux
Où quand un bateau fait naufrage
Le capitaine crie « je suis le maître à bord »
Sauve qui peut, le vin et le pastis d’abord
Chacun sa bonbonne et courage

Et c’est là que jadis à quinze ans révolus
À l’âge où s’amuser tout seul ne suffit plus
Je connus la prime amourette
Auprès d’une sirène, une femme-poisson
Je reçus de l’amour, la première leçon
Avalais la première arête

Déférence gardée envers Paul Valéry
Moi l’humble troubadour sur lui je renchéris
Le bon maître me le pardonne
Et qu’au moins si ses vers valent mieux que les miens
Mon cimetière soit plus marin que le sien
Et n’en déplaise aux autochtones

Cette tombe en sandwich entre le ciel et l’eau
Ne donnera pas une ombre triste au tableau
Mais un charme indéfinissable
Les baigneuses s’en serviront de paravent
Pour changer de tenue et les petits enfants
Diront « chouette, un château de sable »

Est-ce trop demander sur mon petit lopin
Plantez, je vous en prie une espèce de pin
Pin parasol de préférence
Qui saura prémunir contre l’insolation
Les bons amis venus faire sur ma concession
D’affectueuses révérence

Tantôt venant d’Espagne et tantôt d’Italie
Tous chargés de parfums, de musiques jolies
Le Mistral et la Tramontane
Sur mon dernier sommeil verseront les échos
De villanelle, un jour, un jour de fandango
De tarentelle, de sardane

Et quand prenant ma butte en guise d’oreiller
Une ondine viendra gentiment sommeiller
Avec moins que rien de costume
J’en demande pardon par avance à Jésus
Si l’ombre de ma croix s’y couche un peu dessus
Pour un petit bonheur posthume

Pauvres rois pharaons, pauvre Napoléon
Pauvres grands disparus gisant au Panthéon
Pauvres cendres de conséquence
Vous envierez un peu l’éternel estivant
Qui fait du pédalo sur la vague en rêvant
Qui passe sa mort en vacances
Vous envierez un peu l’éternel estivant
Qui fait du pédalo sur la vague en rêvant
Qui passe sa mort en vacances

_________________________________

Tombe de Mer Brassens (cimetière de Sète)

 » Lili Marleen  »……


Marlène DietrichHistoire d’une chanson …..nazie ?

Les paroles ( en français ) :

Devant la caserne
Devant la grande porte
Il y avait une lanterne
Et elle est encore là devant.
Alors nous voulons nous y revoir
Sous la lanterne nous voulons rester
Comme autrefois, Lili Marleen
Comme autrefois, Lili Marleen
Nos deux ombres
Ne faisaient plus qu’une
Que nous nous aimions tant,
ça se voyait tout de suite
Et tout les gens doivent le voir
Quand nous nous trouvons sous la lanterne
Comme autrefois, Lili Marleen
Comme autrefois, Lili Marleen
La sentinelle appelle déjà
Ils sonnent le couvre-feu
Ca peut coûter trois jours
Camarades, j’arrive tout de suite
Alors on se disait au revoir
Comme j’aurais voulu partir avec toi,
Avec toi, Lili Marleen
Avec toi, Lili Marleen
Elle connaît tes pas
Ta démarche élégante
Tout les soirs elle brille,
Mais elle m’a oublié depuis longtemps
Et s’il devait m’arriver malheur
Qui se trouverait sous la lanterne
Avec toi, Lili Marleen?
Avec toi, Lili Marleen?
De l’espace silencieux,
Du fond de la terre,
S’élève comme un rêve
Ta bouche amoureuse
Quand le brouillard tardif se lèvera
Je serai sous la lanterne
Comme autrefois, Lili Marleen
Comme autrefois, Lili Marleen.
                                                ___________________________________________

  

L’écrivain John Steinbeck .

aurait dit ( écrit ) que  » cette chanson est le seul legs du 3ème reich à l’humanité  » 

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Je présume que vous ne connaissez pas..


Ce Monsieur ? 

  J.Debrokart a été censuré pratiquement pour toutes ses chansons sur tous les médias …..

 

Mon cher député
Votre siège vous l’avez gagné, à une voix de majorité
Or cette voix, c’était la mienne

J’ai voté le dernier à 19 heures 59 et des poussières
C’est pas du bluff y’a des témoins qui s’en souviennent
Dans vos réunions, sur vos affiches, à la télé
Vous avez dit et répété que vous feriez tout pour nous plaire
C’est donc sans vergogne, cher ami, que je vous écris
Pour les trois ou quatre petits riens que voici

Ma sœur, voudrait bien la légion d’honneur
Mon frère ne pas faire son service militaire
Ma tante, oh pas grand-chose, le Jardin des Plantes
Ou à défaut, elle aime la nature un p’tit poste à l’agriculture

Mon fils, alors lui, n’importe quoi à la Justice
Mon père pareil, mais, aux affaires étrangères
Et moi, oh moi, j’ai pas d’ambition
Chargé de mission ça ça m’irait
Mais attention hein, sans précision
Monsieur, qui êtes député grâce à moi
Pas de nouvelles depuis des mois
Qu’est-ce qui se passe donc, je m’interroge, je m’étonne
Seriez-vous un menteur, un ingrat, un arriviste sans foi ni loi
Vous n’êtes pas là, jamais là, quand je téléphone
Alors je vous écris derechef
Pour vous rappeler que c’est moi, bref
Pour vous rafraichir un tant soit peu la mémoire
Je suis patient, mais j’ai mes limites
Ce que j’ai demandé je le mérite
Alors faites vite et sans histoire

Ma sœur, ben oui elle voudrait la légion d’honneur, c’est son droit
Mon frère ne pas faire son service militaire, quoi de plus simple?
Ma tante, une misère, le Jardin des Plantes
Ou à défaut, elle aime la nature un p’tit poste à l’agriculture
Je me répète évidemment, c’est vous qui m’y forcez
Mon fils à la Justice, mon père pareil mais aux affaires étrangères
Et moi, ah ben moi j’ai réfléchi, l’immobilier me tente assez
Je voudrais des crédits et puis du terrain, enfin trois fois rien

Bougre de salaud, ah si j’avais su ça plus tôt
J’aurais voté pour
Piazzano
Ouais, ouais, le radical de gauche
Je m’vengerai aux élections prochaines
Mais t’auras profité d’l’aubaine suffisamment
Pour plus jamais chercher d’embauche
Je m’suis renseigné, t’as placé tout ton monde, voyou
Dans le fromage t’as fait ton trou, dix trous, vingt trous, un vrai gruyère
Oh! mais ça n’en restera pas là, j’ameuterai la presse contre toi
J’dirai tout à la France entière
Sa sœur, ouais, ouais, ouais, sa sœur a la légion d’honneur, tel que
Son frère alors lui, il fait pas son service militaire, non, non, non
Sa tante dirige le jardin des plantes, son cousin Arthur
Ancien pédicure dit son mot à l’Agriculture
Son fils, c’est le comble, a son bureau à la Justice
Son père, gâteux, a le sien aux Affaires étrangères
Y a qu’une chose à faire si vous ne voulez plus voir ça
La prochaine fois qu’on vous demandera
De refaire des parlementaires
J’serai candidat, votez pour moi!