Enfants abandonnés…….


Je laisse les commentaires ouverts bien que je sache que ce billet ne sera pas commenté ( peut-être quelques  » like » ( dont j’ai horreur) . Je l’ai écrit pour moi d’abord ,parceque je voulais en savoir plus sur l’abandon des enfants .

Une pratique singulière : l’attribution de pseudonymes à des centaines d’enfants au milieu du XXe siècle

Pendant la première moitié du XXe siècle, en France, plusieurs centaines de milliers d’enfants sont devenus pupilles de l’Assistance publique. La plupart sont des enfants abandonnés par leur mère, le plus fréquemment pour des motifs liés à la misère. Beaucoup portent le patronyme maternel, mais souvent sans le savoir. Des recherches ont montré qu’en Ille-et-Vilaine, entre 1927 et 1944, des pseudonymes sont donnés à ces enfants, à leur arrivée à l’Assistance. Les familles d’accueil et l’entourage ne les connaissent que sous cette nouvelle identité et les documents ainsi que les correspondances sont établis sous ces nom et prénom de substitution. Leur état civil officiel n’en est pas pour autant modifié et ils retrouvent ultérieurement leur véritable identité. Cette pratique singulière n’est pas générale en France. Elle brouille les pistes et met en lumière la culture du secret qui prévalait dans les services de l’Assistance publique de cette époque.

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Au cours de la première moitié du 20ème siècle, en France, plusieurs centaines de milliers d’enfants ont été pupilles de l’Assistance publique (AP) (ils sont appelés pupilles de l’État après 1943). Selon que leurs parents sont connus ou non, ces enfants sont dits  » enfants abandonnés  » ou  » enfants trouvés  ». Durant l’entre-deux-guerres, la grande majorité des pupilles sont des enfants abandonnés.

L’histoire de ces enfants et de leur famille d’origine est particulièrement riche et émouvante. Les dossiers des pupilles sont la principale source pour la connaître. Ils font entrevoir la vie d’un enfant, parfois aussi celle de leur famille et renvoient également à l’histoire de notre société.

Alors que pendant l’Antiquité, la décision de mise à l’écart d’un bébé appartenait au père, au 20 e siècle ce sont essentiellement les mères qui abandonnent. La plupart des femmes contraintes à cette décision, sont jeunes, célibataires et vivent dans une grande misère. La majorité d’entre elles accompagnent, elles-mêmes, leur bébé à l’AP, à l’issue d’un séjour d’une dizaine de jours passés à l’hôpital après la naissance. En Ille-et-Vilaine, entre 1914 et 1939, ce sont 61 % des enfants abandonnés qui arrivent entre 4 et 14 jours après leur naissance. D’après les lettres retrouvées dans les dossiers, les mères gardent souvent l’espoir d’une vie meilleure et de pouvoir reprendre leur enfant, plus tard, même si la loi prévoit une rupture définitive.

Les enfants abandonnés ont leur filiation établie avec leur mère, voire avec leurs deux parents. En Ille-et-Vilaine, 91 % des enfants abandonnés portent le seul nom de leur mère, les autres portent le nom du père ou du mari, que ce dernier soit ou non le géniteur. Seuls les enfants trouvés ont pour patronyme un prénom ou un nom d’emprunt. Ces derniers sont souvent choisis par la mère, ou sinon par la sage-femme ou le médecin ou à défaut par l’administration.

En Ille-et-Vilaine, à partir de 1927, une pratique singulière se met en place : même si leur filiation est établie, un pseudonyme est attribué aux enfants, aussitôt après leur admission à l’AP. La consultation, pour cette étude spécifique, de 909 dossiers de pupilles nés après 1925 et sortis des services entre 1925 et 1949 a permis de mesurer l’ampleur de ce phénomène et d’approcher ses causes et ses conséquences. Des échanges avec d’anciens pupilles ont enrichi cette première approche. La lecture d’ouvrages et les apports du Conseil national pour l’accès aux origines (CNAOP), des archives départementales de la Gironde et de professionnels de plusieurs conseils généraux ont éclairé la pratique d’autres départements.

Cet usage est également mis en perspective avec la culture du secret qui a longtemps prévalu dans les services de l’AP puis de l’Aide sociale à l’enfance (ASE).

Des pseudonymees en guise d’identité ….

Sur la couverture des dossiers de pupilles figurent, notamment, les nom et prénom de l’enfant, la date de naissance et la catégorie. Dans ceux du département d’Ille-et-Vilaine, des indications surprenantes apparaissent à partir de 1927. Un autre nom et un autre prénom sont notés en haut de la couverture, généralement au crayon rouge, parfois soulignés. À l’intérieur du dossier, cette même identité se retrouve au travers du procès-verbal (PV) d’admission, toujours en rouge, tout en bas à gauche. Elle est précédée du mot  » alias  » ou plus souvent de  » pseudonyme  », et quelquefois de  » dit  » ou  » dite  » ou même  » le ou la nommé(e)  ».

Un  »livret de pupille  » est établi sous cette nouvelle identité. Ce livret de 62 pages comprend des éléments relatifs à l’identité de l’enfant, à sa santé, sa scolarité, ses placements et aussi des listes de  »vêtures  » ( Vêtements ) . selon les âges, des conseils d’hygiène et d’alimentation aux nourrices et des relevés de leur paiement.

D’ailleurs ,on constate que, dans certains dossiers, toutes les autres pièces portent cette nouvelle identification, sans aucune mention de la véritable identité. Il en va ainsi de la fiche qui retrace les placements et les observations des inspecteurs, de fiches sanitaires, de certificats médicaux, de remboursements de fournitures et même de certificats de décès. Lorsque l’enfant est placé chez une nourrice, les échanges de courrier avec cette dernière se font en désignant l’enfant par son seul pseudonyme. Il apparaît alors que la nourrice ne connaît l’enfant que sous ce nom et ne sait sans doute pas qu’il en porte un autre. Seuls l’extrait d’acte de naissance et l’arrêté d’admission portent l’identité réelle de l’enfant et cela sans aucune mention de pseudonyme. De même, le plus souvent, le certificat de baptême ou  »d’ondoiement » ( = Baptême d’urgence où seule l’ablution baptismale est faite.)est établi sous la seule identité première. Ce sauf-conduit pour  »l’au-delà  » est généralement accompli dès le jour de la naissance et précède alors l’admission.

Dans un nombre plus important de dossiers, les documents les plus anciens mentionnent le pupille sous son seul pseudonyme, puis l’enfant reprend son identité d’origine et le reste des pièces et courriers indique alors ce seul nom.

Très exceptionnellement, dans quelques dossiers, certains papiers portent les deux noms. Par exemple, dans le dossier de Marie-Louise A., à propos de son décès, il est indiqué :  » la nommée M. Jeanne (il s’agit de son pseudonyme), alias Marie-Louise A. (patronyme de l’état civil) est décédée  ». Dans certaines notes confidentielles de l’aumônier de l’hôpital, les deux identités se côtoient également :  » L’enfant (pseudonyme), né le…, porté ce jour à la crèche de l’hospice, et non baptisé, se nomme en réalité (état civil), baptisé le… à…  » Dans les rares autres cas de double mention, le document est établi avec le pseudonyme ; l’identité réelle n’étant rajoutée qu’au crayon, manifestement dans le seul but de faciliter le classement.

Les noms donnés en pseudonymes n’ont apparemment pas de signification particulière. Certains sont des prénoms mais d’autres ne sont ni des prénoms, ni des noms communs, ni des noms de lieux. Quelques-uns donnés à des enfants rapidement décédés et de ce fait non identifiables : Prima, Damasse, Contrain, Lichon ou Magon,Janvier. On constate aussi que le choix des patronymes ne dépend pas du sexe de l’enfant. Même les prénoms qui servent de nouveaux patronymes, qu’ils soient féminins ou masculins, sont attribués de façon indifférenciée aux garçons et aux filles. Le choix n’est pas non plus déterminé par la catégorie d’enfants trouvés ou abandonnés ou par un quelconque ordre alphabétique, en fonction de la date d’admission ni par exemple, le mois d’admission .

Le choix du prénom du pseudonyme est manifestement aussi aléatoire. La seule certitude est qu‘il ne correspond ni au prénom du saint du jour de la naissance ni à celui de l’admission de l’enfant et qu’il n’y a aucune correspondance entre le prénom initial et le nouveau, au moins jusqu’en 1941. Louise P. née le 28 mai 1934 se voit ainsi nommée Berthe R. ; Claire Pi., née le 27 juin 1932 devient Lucie P. ; Guy Q., Marcel C..

En 1941, toutefois, un changement s’opère. Il se rencontre dès mai, mais n’est généralisé qu’en août. Désormais, seul un nouveau nom est donné et le prénom est conservé.

L’attribution d’un pseudonyme est manifestement très rapide. Elle se fait dès l’arrivée à l’AP. Même des bébés qui n’ont pas bénéficié de placement en nourrice et qui sont décédés à l’hospice dépositaire en ont été dotés. Ainsi, Jeanne A., née le 22 novembre 1927, admise le jour même et décédée huit jours après, reçoit le pseudonyme de Lucienne Guillaume, Jean A. né le 5 avril 1942 qui est devenu pupille le 23 avril et est décédé le jour-même se voit également doté d’un nouveau nom : Jean Loran.

Une pratique généralisée en Ille -et-Vilaine :

 

L’usage de pseudonymes se rencontre en Ille-et-Vilaine sur une période de presque 18 ans. Plus d’un millier de pupilles sont concernés. À quelques rares exceptions près, la pratique concerne tous les enfants trouvés et abandonnés. Ainsi, sur les 24 enfants trouvés ou abandonnés nés en 1927 ou 1928 et sortis en 1928, seul un n’a pas reçu de pseudonyme. La pratique est appliquée quelle que soit la raison de l’abandon : absence de ressources, rejet de la famille ou tout autre motif. Elle est la même quelle que soit la personne qui remet l’enfant. Ce peut être la mère ( cas le plus fréquent ) ou une sage-femme, une infirmière, un médecin… Il en va de même que l’enfant soit né à l’hôpital, en clinique, chez une sage-femme ou au domicile de la mère.

La pratique commence en janvier 1927, à une exception près d’un enfant admis en décembre 1926, et se termine au milieu de l’année 1944. D’après les recherches, l’attribution du dernier pseudonyme concerne Antoinette A., née le 7 juillet 1944, admise le 20 juillet et qui devient Antoinette M

. La fin qui intervient en août 1944 correspond manifestement à la libération du département ( les 3, 4 et 5 août, à l’exception de Saint-Malo et Dinard ) et au changement des autorités.

Donc, quasiment tous les enfants trouvés de cette période ont des pseudonymes, alors même que leur état civil, souvent composé de plusieurs prénoms, n’identifie pas leur filiation. Cet état civil est, il est vrai, connu par la personne qui a fait la déclaration de naissance et peut l’être aussi par la mère et même avoir été donné par elle. L’enfant trouvé Guy F., né le 7 mai 1932 à Saint-Malo, remis par Mme O., repasseuse, se voit ainsi doté du pseudonyme d’Auguste D. Dans les deux seules exceptions rencontrées, le bébé n’avait pas été déclaré en mairie quand il est devenu pupille, le jour même de sa naissance. C’est l’AP qui l’a fait et donc elle seule qui connaissait son identité.

Beaucoup d’enfants trouvés qui avaient pour identité un double prénom se voient doter d’un nom-pseudonyme qui a l’apparence d’un patronyme. D’autres, par contre, ont un nouveau prénom.

Pour les enfants abandonnés, la reconnaissance par leur mère, et même par les deux parents n’interfère pas. Les fratries elles-mêmes sont concernées. Des circonstances particulières n’influent pas davantage sur la pratique. Ainsi, une jeune femme de 23 ans, confie en juin 1944 son nouveau-né. Elle précise qu’elle doit se rendre à pied dans le Morbihan, où elle habite, et ne peut emporter son bébé, à cause de la distance, des combats et des bombardements, et reviendra aussitôt que possible. Son garçon se voit pourtant immédiatement doté d’un pseudonyme. Il décède le mois suivant, avant que sa mère ne l’ait repris.

Pour la catégorie des abandonnés, trois absences de pseudonymes s’expliquent par la situation administrative antérieure de l’enfant. L’un était secouru auparavant, le deuxième était en dépôt. Quant au troisième, il était hospitalisé  » au compte des assurances sociales  » et décède avant même que le PV ne soit établi. Pour les quelques autres enfants abandonnés sans pseudonyme, on constate que le lieu de l’abandon n’est pas le bureau de l’AP, mais une mairie ou un commissariat de Police. Ces admissions se sont faites en outre à un âge plus tardif que celui des autres enfants.

En règle générale, contrairement aux enfants trouvés ou abandonnés, aucun pseudonyme n’est donné aux orphelins ni aux enfants moralement abandonnés. Pour ces derniers, il faut préciser que le jugement peut être revu à la demande des parents à l’issue d’un délai de trois ans. En outre, pour ces deux catégories, les admissions sont généralement tardives. Une seule exception a été constatée, celle d’un bébé admis comme orphelin, quelques jours après sa naissance, à la suite du décès de sa mère en couches. Il a manifestement été assimilé à un enfant abandonnés

Pour les enfants en dépôt qui lui sont confiés ( ils sont très peu nombreux à cette époque ) l’AP ne détient pas la puissance paternelle, qui reste aux parents. Malgré cela, dans un dossier, un pseudonyme a été attribué. Margaret K., née fin 1925, est admise en dépôt, donc à titre provisoire, en même temps que ses quatre frères, en septembre 1927, à la suite de l’incarcération de son père, sa mère étant sans domicile et sans ressources. Il lui est donné le pseudonyme d’Ernestine D. Un livret de pupille, une fiche de suivi, un certificat médical et différents courriers portent cette identité. La fillette conserve ses nouveaux nom et prénom pendant tout son placement. En juin 1928, la mère reprend tous ses enfants. Il est demandé alors à la nourrice de la fillette de la ramener à l’AP. Même dans ce courrier, elle est appelée Ernestine D. Aucun de ses frères, même le plus jeune, né début septembre 1927, n’a de pseudonyme. Rien ne permet d’expliquer une telle situation.

Des enfants à l’identité double :

Le contenu du dossier de Robert G. né le 6 juin 1932 à Rennes étonne au premier abord. Sa mère Anna G., 17 ans, le conduit à l’AP, alors qu’il a douze jours. L’arrêté d’immatriculation comme abandonné est pris au nom de Robert G. L’extrait d’acte de naissance comme le certificat de baptême sont établis à ce même nom. Le PV d’admission porte également ce nom mais une annotation mentionne :  » Pseudonyme P. Émile  ». Un livret de pupille est établi le jour même au nom de P. Émile. Il y est même noté que  » P. Émile a été baptisé le 9 juin 1932  », alors qu’il est su que ce sacrement a eu lieu avant l’admission, sous le patronyme officiel. Le bébé part un mois après en nourrice sous son pseudonyme. Une fiche sanitaire qui suit l’évolution du bébé, avec son poids, les différents laits donnés, porte ce nom. Deux ans après, pour des raisons non explicitées, le garçon retourne à l’hospice dépositaire et est confié le mois suivant à une nouvelle nourrice. Un deuxième livret de pupille est alors établi, mais cette fois-ci avec le nom initial. Des certificats médicaux ultérieurs sont rédigés avec l’identité retrouvée. Une lettre de la deuxième nourrice montre qu’elle connaît l’enfant sous ce nom. Aucun élément dans le dossier n’explique ce double changement de nom …..

En fait, cette reprise de l’identité initiale est la règle. Les pupilles qui ont porté un pseudonyme pendant tout leur placement à l’AP sont tous, soit décédés en bas âge, soit ont été remis à leur mère ou leurs parents. Dans ce dernier cas, l’enfant retrouve sa véritable identité à l’âge, variable, correspondant à cet événement. Ainsi, Josèphe R., enfant trouvée, après s’être appelée Renée L., ne reprend son nom de naissance qu’à 4 ans et 8 mois, pour en changer aussitôt après et porter celui de sa mère qui vient de la reconnaître. La mère a écrit une quinzaine de lettres pour demander des nouvelles de sa petite, ce qui montre son attachement, mais pour la fillette c’est un bouleversement. Pour d’autres enfants, l’âge de ce double changement est encore plus tardif et a lieu vers 7 ans.

Aucun pupille ne porte encore son pseudonyme à l’âge adulte. Par contre, la date de la reprise de l’identité officielle diffère d’un enfant à l’autre. Il est parfois difficile de savoir précisément à quel âge et dans quelles circonstances, elle a lieu. Plusieurs mois, et même plus d’un an, peuvent séparer le dernier papier avec le pseudonyme, du premier avec l’identité initiale. Toutefois, des tendances principales apparaissent et trois situations se dessinent dont la première paraît la plus fréquente.

Nombre de modifications s’observent entre 18 mois et 2 ans et demi, en lien avec un changement de nourrice. Après l’admission à l’AP, pendant son séjour à l’hospice puis chez sa première nourrice, l’enfant n’est identifié que sous son pseudonyme. Il reprend ensuite sa véritable identité et n’est connu par sa nouvelle famille d’accueil que sous ce nom. C’est le cas de Gaston B., né en février 1928 et remis par sa mère âgée de 19 ans. À l’âge de trois semaines, il est placé chez une première nourrice, sous son pseudonyme de Maxime H. Différents documents, dont une fiche sanitaire, un certificat médical, des échanges de courrier, portent cette identité. À 18 mois, il repart. Une fiche inventoriant ses vêtements est établie le 19 août 1929, toujours avec son nom d’emprunt. Par contre, dès le 22 août, lors de son placement chez une seconde nourrice, il retrouve son nom initial.

Certains enfants continuent à porter leur pseudonyme lors de leur deuxième placement et ne changent qu’au troisième. Ainsi, René A., né en juin 1928, après un premier placement en nourrice à un mois, est confié à Madame L. en septembre 1929. Lorsqu’il la quitte, le 21 mars 1930, l’inventaire de ses vêtements est établi sous son pseudonyme. Ce n’est que trois jours après, en allant chez sa troisième nourrice, à l’âge de 21 mois, qu’il retrouve sa véritable identité.

La raison de ces changements de nourrice n’est généralement pas indiquée dans les dossiers et les pupilles interrogés l’ignorent. On observe que pendant le deuxième quart du xxe siècle, les modifications de placements entre 18 mois et 3 ans se généralisent en Ille-et-Vilaine. Ce n’était pas le cas auparavant, où par exemple plus de la moitié des pupilles nés en 1917 et sortis de l’AP en 1938 à leur majorité n’ont eu qu’une seule nourrice et où les ruptures de placement pour les autres, à des âges très variables, sont dues le plus souvent au décès ou à la maladie de la gardienne ou à de la maltraitance. Dans d’autres départements, comme l’ancienne Seine-et-Oise où nous avons travaillé, on constate aussi des changements quasi systématiques de nourrice soit vers 18 mois-2 ans, soit plus tard vers 6 ans. Dans le département de la Seine, on assiste entre les deux guerres à une pénurie de nourrices au sein, qui a pu conduire à les réserver aux tout-petits et à confier les enfants sevrés à d’autres gardiennes. Mais en Ille-et-Vilaine, il en va différemment, un des critères principaux du choix des nourrices est la possession d’une ou plusieurs vaches et la demande d’accueil d’enfants de l’AP reste importante. Une des raisons de la nouvelle pratique pourrait être liée à la lutte contre la forte mortalité infantile, avec une spécialisation de nourrices pour le premier âge. Ceci n’explique toutefois pas en soi la double modification d’identité.

D’autres reprises de l’identité réelle correspondent au placement de l’enfant chez un couple, en vue d’une légitimation adoptive, généralement entre 18 mois et 5 ans. Ainsi, Yvonne L., qui s’est appelée F. D. pendant 20 mois, est-elle confiée à ses futurs parents adoptifs sous son identité de naissance. Mais les enfants confiés en vue d’une légitimation adoptive ne reprennent pas tous leur identité de naissance, dès le placement chez leurs futurs parents adoptifs. Certains ne la retrouvent qu’au moment où le couple demande formellement, au conseil de famille, l’autorisation d’adoption. Dans ces cas, des courriers attestent que le couple n’avait connaissance auparavant que du pseudonyme et ignorait qu’il ne s’agissait pas de la véritable identité.

La reprise du patronyme de naissance peut aussi être plus tardive et intervenir entre 12 et 14 ans. Cet âge correspond pour la plupart, à l’entrée dans le monde du travail, avec la signature d’un contrat d’apprentissage et l’affiliation aux assurances sociales. Jacqueline B., née le 21 janvier 1927, porte le pseudonyme d’Ida S., pendant toute son enfance. Un document du 17 juin 1940, alors qu’elle a plus de 13 ans, ainsi que tous les documents antérieurs la nomment sous ce pseudonyme. Par contre, le jour de ses 14 ans, un contrat d’apprentissage est signé avec son identité officielle. En outre, un nouveau carnet de santé est établi sous ce nom. Toutes les correspondances et documents ultérieurs mentionnent le seul nom officiel. Un tel changement tardif peut aussi coïncider avec l’entrée à l’école primaire supérieure. C’est le cas de Marie Catherine G., née en août 1927. Début septembre 1941, un papier relatif à un achat de sabots montre qu’elle porte encore son pseudonyme de Berthe M. Le 13 du même mois, sa nourrice s’adresse à l’AP en la désignant avec ce même nom. Le 18, l’inspecteur écrit en demandant de constituer un trousseau pour rentrer à l’école primaire supérieure, et là, il désigne la jeune fille sous ses véritables nom et prénom. La nourrice a visiblement du mal à se faire à ce changement et, dans sa réponse, elle continue à parler de Berthe, même si elle n’utilise plus le nom pseudonyme. Marie Catherine rajoute un petit mot pour dire son impatience de la rentrée et signe de son nouveau nom, manifestement avec une certaine fierté. Dès lors, c’est sous cette identité qu’elle est connue.

Une pratique surprenante ,sans base réglemantaire .

Ultérieurement,( mais plus de 20 ans plus tard), la loi du 11 juillet 1966 prévoira, pour les enfants dont la filiation est établie et dont les mères ont expressément demandé le secret de l’abandon, d’annuler le premier acte de naissance et d’en établir un second avec un nouveau patronyme choisi par le service de l’ASE et un nouveau lieu de naissance. Le dossier de l’enfant est établi sous ce nouveau nom. Cette règle s’appuie sur le respect du secret demandé.

Les dossiers d’une étude sont, quant à eux, répertoriés et classés en fonction du nom de l’état civil initial. Il n’y a pas d’indication des pseudonymes dans le registre de 1932 qui mentionne les admissions de 1932 jusqu’en 1945, et récapitule rétroactivement la plupart de celles entre 1925 et 1931. Ils ne figurent pas non plus sur les fiches individuelles détenues par le conseil général.

La loi prévoit, à l’époque, trois possibilités de changement de nom : une procédure spécifique pour les changements de noms difficiles à porter, la francisation du nom pour faciliter l’intégration des étrangers naturalisés et la reprise par la famille du nom d’une personne morte pour la France, sans descendants. La pratique rencontrée ne correspond à aucun de ces cas et ne conduit pas à un changement de patronyme à l’état civil.

La reprise de l’identité de naissance, au plus tard à l’adolescence, montre que c’est la seule légale. Le pseudonyme est un nom d’usage. Mais, il est utilisé par l’enfant, l’entourage et les professionnels comme s’il s’agissait d’une identité officielle et, à part l’inspecteur, personne ne semble connaître le nom de naissance. D’ailleurs, dans un courrier adressé à un futur père adoptif, en 1937, l’inspecteur spécifie :  » Il est absolument impossible que vous connaissiez (Victor B.), puisqu’il porte du reste un faux nom et que son nom véritable est seulement connu de moi.  »

Le recours à des pseudonymes est particulièrement surprenant. Ce l’est d’autant plus que le changement de pratique est radical. En effet, le nouvel usage s’applique dès le mois de janvier 1927, alors qu’il est totalement absent en 1926 et les années précédentes, à l’exception d’une admission en décembre 1926.

Sur le plan juridique, les pseudonymes sont des noms d’emprunt qu’une personne se donne à elle-même. Molière, Voltaire, Stendhal sont par exemple des pseudonymes. Cet usage est ancien et fréquent, mais il est licite à la condition qu’il soit utilisé dans l’exercice d’une activité particulière. Ce n’est bien évidemment pas le cas pour les pupilles.

La soudaineté et la généralisation de la pratique pourrait s’expliquer par la publication d’une loi, d’un texte réglementaire ou d’une directive spécifique aux pupilles. Mais des recherches multiples, y compris auprès des Archives nationales, de celles de Paris et l’AP-Hôpitaux de Paris et de la Bibliothèque Nationale n’ont pas permis d’établir de telles bases. Le  » traité de Planiol et Ripert » ?mentionne deux circulaires datées de 1926, l’une sur le nom des enfants trouvés, et l’autre sur le nom des enfants naturels. Il n’a pas été possible de trouver le premier texte. Il est très vraisemblable que cette circulaire faisait des recommandations concernant les noms à donner aux enfants trouvés non déclarés à l’état civil. D’autres circulaires l’on fait précédemment, comm celle du 30 juin 1812 qui propose de chercher des noms de l’histoire ancienne ou évoquant des signes particuliers à l’enfant et récuse  » les dénominations ridicules ou rappelant la situation d’enfants trouvés et les noms connus pour appartenir à des familles existantes ». De plus, étant donné le titre du texte, les enfants abandonnés ne sont pas concernés. La circulaire du 22 octobre 1926 relative au nom des enfants naturels précise que  » lorsqu’un enfant n’est désigné dans son acte de naissance que par une suite de prénoms, c’est ce dernier, quel qu’il soit, qui doit être considéré comme nom patronymique  ». Elle indique également que  » lorsqu’un acte de naissance indique le nom de la mère d’un enfant naturel mais que cet enfant n’a pas été reconnu par elle, une jurisprudence aujourd’hui à peu près constante proclame que cet enfant a droit au nom patronymique de sa mère  » Elle demande aussi de nommer les enfants naturels par ce patronyme dans les actes de mariage ou de décès. Cette directive, qui ne prévoit aucune dérogation, va expressément à l’encontre de toute substitution de nom pour les enfants qui portent le patronyme de leur mère.

Dans le même temps, une circulaire du 18 mars 1927 adressée aux directeurs d’agences par le préfet de la Seine indique qu’il lui a été signalé que les livrets de certains pupilles continueraient de porter, à la première page, la mention  » Inconnu  » et rappelle de façon très ferme la nécessité de porter sur les livrets des pupilles leur véritable état civil.

Par ailleurs, il est nécessaire de préciser que la tutelle des pupilles de l’AP ou de l’État est un régime de puissance paternelle, puis d’autorité parentale, qui cesse à la majorité et qui est sans conséquence sur la filiation.

En outre, la consultation des archives départementales de la Gironde a permis de constater que la pratique des pseudonymes n’était pas appliquée dans toute la France. Le conseil général du Finistère, a indiqué qu’elle n’existait pas non plus dans son département. Le CNAOP a pu confirmer que la pratique n’était pas généralisée. De plus, une réglementation nationale aurait prévu de façon précise les modalités et en particulier l’âge auquel l’attribution de pseudonymes intervenait et se terminait.

Le changement pourrait alors être dû à une directive écrite non publiée, voire à des consignes orales, spécifiques à un département. Il pourrait résulter de la décision d’un préfet, ou d’un inspecteur de l’AP. On constate effectivement qu’un même inspecteur a exercé en Ille-et-Vilaine au moins de 1928 à 1943. Mais ce n’est qu’une hypothèse fragile, car cette pratique n’est pas l’apanage du seul département d’Ille-et-Vilaine. René Giraud qui a réalisé un master d’anthropologie a relaté avoir rencontré deux pupilles des Bouches-du-Rhône, nés avant 1935, qui avaient un nom donné par l’administration, différent de celui de leur mère respective, bien que ces dernières les aient reconnus et aient établi la filiation. Dans son mémoire, il cite Roberte C. qu’il a interviewée, à qui la nourrice avait raconté qu’elle avait un patronyme donné par l’AP. L’intéressée, qui pense que c’était pour  » que maman ne revienne jamais me chercher  », décide, lors d’une inscription à l’école, de prendre le nom de son père nourricier, en expliquant :  » J’avais bien le droit de choisir un nom qui me convenait en offrant celui de mon père nourricier puisqu’il m’appelait sa fille. »

Des pseudonymes qui facilitent rupture et secret :

L’absence de texte expliquant l’usage de pseudonymes invite à rechercher, au-delà, les raisons d’une telle pratique. Quatre pistes ont été explorées : le respect du secret demandé par le ou les parents, un projet d’adoption, le secret de la filiation vis-à-vis de l’enfant, le secret du placement.

La première hypothèse est le respect du secret demandé par la mère ou par la famille. Les enfants trouvés n’ont pas de filiation établie, mais, pour ceux dont la mère choisit elle-même les noms et prénoms, c’est assurément pour lui laisser une trace et non pour qu’il porte un autre nom.

Pour les enfants abandonnés, la déclaration à l’état civil avec le nom de la mère, voire des deux parents, ne plaide guère non plus en faveur d’une volonté de secret. Certes, dans certains dossiers, il est mentionné que la mère veut cacher sa grossesse à sa famille ou que  » le mari l’ignore  ». Mais même là, aucun écrit ne mentionne qu’elle demande le secret vis-à-vis de son enfant. De toute façon, cela ne concerne qu’une minorité de situations, l’absence de ressources étant la raison principale des abandons. En outre, la préservation d’un tel secret supposerait un changement d’état civil et non l’attribution d’un pseudonyme pendant seulement quelques années, voire quelques mois. De plus, les parents ne sont manifestement pas informés de cette pratique. Les échanges de courrier avec eux se font en indiquant le nom d’état civil. Léontine B. née le 17 juin 1927 à Saint-Malo et décédée le 16 juillet suivant, est dite Aurélie E. Quelques mois plus tard, sa mère demande à la revoir. Il lui est répondu :  » J’ai le regret de vous faire connaître que votre fille Léontine […] est décédée le 26 juillet de pyodermite et d’athrepsie générale. »

L’éventualité d’une adoption ne paraît pas non plus, a priori, être le motif de l’attribution de pseudonymes. En effet, la légitimation adoptive n’est devenue possible qu’avec le décret-loi du 29 juillet 1939 et l’adoption plénière, qui rompt tout lien avec la famille naturelle, qu’après la loi de 1966. Avant 1966, l’enfant adopté conservait son patronyme d’origine auquel était rajouté le nom de l’adoptant. On constate d’ailleurs que les pupilles recouvraient leur nom de naissance au plus tard au moment de la requête en adoption.

Les pseudonymes ne sont cependant pas sans incidence. La plupart des enfants sont confiés aux futurs adoptants sous leur identité première. Dans ce cas, le pseudonyme utilisé antérieurement favorise la rupture. Les candidats à l’adoption rencontrent en effet leur futur enfant en centre de consultation et non chez la nourrice et la différence d’identité ne permet pas de relations entre nourriciers et adoptants, sans l’aval de l’AP.

Pour les quelques enfants qui arrivent dans la famille adoptive en portant toujours leur pseudonyme, la double identité désoriente les parents adoptifs. Ainsi, l’avocat en charge de l’adoption de Maryvonne B. demande pourquoi les pièces adressées en vue de la légitimation adoptive portent ce nom et non celui de Maryvonne P., sous lequel a été confié l’enfant. Il lui est répondu que  » B Maryvonne est le nom sous lequel l’enfant a été déclarée à l’état civil alors que P. Maryvonne est le pseudonyme sous lequel elle a été placée au centre nourricier à Antrain  » et que  » c’est donc au nom réel de l’enfant B. que doit être engagée la procédure de légitimation adoptive  ». Il n’est pas précisé que c’est le patronyme de la mère.

L’incertitude sur le nom et l’origine de l’enfant peut aussi conduire les parents adoptifs ou l’entourage à fantasmer. Un couple en vient même à se quereller, la femme finissant par soupçonner le mari d’être le père du garçon. L’inspecteur est catégorique :

 » Je ne puis m’expliquer la provenance des bruits dont vous m’avez entretenu […] Vous avez librement choisi avec Madame, l’enfant B. Victor au milieu de plusieurs autres. Il est absolument impossible que vous le connaissiez puisqu’il porte du reste un faux nom et que son nom véritable est seulement connu de moi. Comment dans ces conditions pouvoir penser vous en attribuer la paternité?  »

La troisième hypothèse est celle d’une utilisation de pseudonymes liée à l’enfant lui-même. Vis-à-vis des pupilles, le secret concernant les origines a en effet longtemps prévalu.

La loi de 1904 stipule que  » dans tous les cas où la loi ou des règlements exigent la production de l’acte de naissance, il pourra y être supplée, si le préfet estime qu’il y a lieu d’observer le secret, par un certificat d’origine dressé par l’inspecteur et visé par le préfet  ». Les lois du 2 septembre 1941 et du 15 avril 1943 reprennent ces mêmes dispositions. Ce certificat d’origine permet d’occulter le lieu de naissance et la filiation. Cette faculté devait être réservée, d’après la circulaire du 15 juillet 1904 aux  » situations délicates  », or dans la plupart des départements, dont l’Ille-et-Vilaine, elle a été étendue à tous, de façon injustifiée puisque la tutelle des pupilles est sans conséquence sur la filiation.

Certains anciens pupilles ont longtemps ignoré l’origine de leur patronyme, s’il s’agissait du nom de leur père ou de leur mère ou d’un nom donné, et quel était leur lieu réel de naissance. La plupart des mariages de pupilles mentionnent leur appartenance à l’AP. Dans le bulletin de mariage de Julienne K., il est ainsi indiqué :  » Née le 3 février 1916 à Assistance publique  », alors qu’elle est née à Rennes et porte le nom de sa mère. Les bulletins de décès portent aussi des mentions spécifiques. Il en est de même pour les actes de naissance des enfants de pupille mineur où il est mentionné  » fils ou fille de X, pupille  ». Le port de pseudonyme concourt à désaffilier les pupilles par rapport à leur famille d’origine, pour les rattacher à la seule AP. Il pourrait être destiné à brouiller les pistes.

Cette troisième hypothèse se heurte cependant au fait que l’attribution de pseudonyme n’a pas entraîné de nouvel état civil et que les pupilles adultes connaissent leur véritable identité. Certains découvrent même tardivement qu’ils ont porté un pseudonyme.

René C. demande en décembre 1991 à avoir des éléments sur ses origines pour  » reconstituer la vie de celle qui a un moment difficile de son existence a dû me laisser sur le bord du chemin  ». Quatre ans plus tard, à 67 ans, il découvre que lors de son premier placement il a eu un pseudonyme  » dans le but j’imagine de déjouer d’éventuelles recherches dans les tous premiers mois de ma naissance  ».

Un monsieur né en 1928 a apporté ses deux livrets, l’un à son nom, l’autre sous son pseudonyme. Il ignorait totalement pourquoi il avait deux livrets avec des noms différents. Il ne se souvenait pas avoir porté le premier nom, ce qui s’explique par le fait que le changement avait eu lieu avant l’âge de 2 ans, comme pour René C.

Des personnes dont le changement a été plus tardif ne connaissent pas davantage la cause de cette évolution. Certains pensent que les dossiers étaient mal tenus et qu’il s’agit d’une anomalie qui leur est propre. La consultation de dossiers datant d’avant 1944 n’est pas fréquente actuellement, aussi, les services du conseil général d’Ille-et-Vilaine n’avaient-ils constaté l’existence que de quelques pseudonymes. De ce fait, ils pouvaient difficilement expliquer cette particularité aux personnes qui découvraient leur dossier.

Les personnes qui ont porté un pseudonyme arrivent parfois à douter de la véracité de leur patronyme.

Ainsi, Marie Catherine G., à l’approche de ses 21 ans, cherche avec l’aide de son mari à connaître qui sont ses parents. Dans une lettre de mai 1948, sont précisés les éléments connus et surtout les interrogations :  » Mademoiselle Marie Catherine G. pupille de l’Assistance publique de Rennes, née le 17 août 1927 à… ? fille de… ? et de… ? a été admise à l’hospice de Rennes le 5 septembre 1927.  »Il lui est répondu :  » Ma chère Marie-Catherine, […] j’ai le regret de vous faire connaître que je ne possède aucun renseignement sur votre mère qui vous a abandonnée aussitôt après votre naissance, et n’a jamais depuis demandé de vos nouvelles. En formant les meilleurs vœux pour le bonheur de votre foyer…  »

En 1963, en 1964, puis en 1966, la jeune femme fait de nouvelles démarches pour savoir en particulier son lieu de naissance, puis l’origine de son nom et s’il est français.

En avril 1980, le ton est plus incisif et là, elle fait allusion à son pseudonyme qui ajoute à son incertitude :

 » Je ne sais rien sur mes origines, je ne connais même pas mon lieu de naissance. Pensez-vous qu’à l’époque où on vit ce soit normal. …. Je suis dans le commerce et à chaque moment il me faut remplir des papiers avec mon lieu de naissance, chaque fois c’est la même chose (Assistance publique ou point d’interrogation). J’ai 53 ans, faudra-t-il donc traîner ce boulet toute la vie ? …. J’ai été inscrite au départ sous le nom de Berthe M., puis à 13 ans quand j’ai passé mon premier certificat on m’a donné paraît-il mon vrai nom (souligné par l’auteur), celui de Marie Catherine G. Je pense que vous me comprendrez et pourrez me dire ce que depuis des années j’ai envie de savoir.  »

Pour l’enfant, la modification de son identité, le plus souvent accompagnée d’un changement de vie, sans préparation qui plus est, devait être particulièrement perturbante.

Il n’y a pas de témoignage direct lié aux pseudonymes. Mais nombre de personnes évoquent leur bouleversement en apprenant une identité différente de celle à laquelle elles avaient cru. Une femme d’une cinquantaine d’années a parlé avec beaucoup d’émotion du jour où elle s’était rendu compte, à 12 ans, qu’elle ne portait pas le même nom que sa famille d’accueil et avait appris qu’elle était de l’ASE. Le soir même, elle fuguait.

Même s’il ne faut pas écarter totalement les autres hypothèses en l’absence d’écrit explicatif, la plus vraisemblable semble être la volonté de garder le secret du lieu de placement vis-à-vis des parents. Il s’agit d’empêcher que les parents ne recherchent leurs enfants.

La loi du 27 juin 1904 prévoit que le lieu du placement du pupille reste secret, sauf décision du préfet prise dans l’intérêt de l’enfant. Cette obligation est expliquée par le ministre de l’Intérieur dans sa circulaire du 15 juillet 1904 :

 » Il est juste que ceux qui abdiquent les devoirs de la famille n’en goûtent pas les joies. Si les parents connaissaient la résidence du pupille et pouvaient dès lors entrer en relation avec les nourriciers et avec lui, les voir à leur gré, le frein le plus puissant à l’abandon disparaîtrait : il y aurait mise en pension de l’enfant aux frais du contribuable. On peut ajouter que l’éducation des pupilles serait rendue plus difficile, souvent presque impossible, par l’intervention des familles.  »

Dans les règlements départementaux, il est interdit aux nourriciers de donner un quelconque renseignement sur l’enfant confié, sous quelque prétexte que ce soit. Dans les contrats d’apprentissage, il est également précisé que le patron doit veiller à ce que le pupille  » ne communique pas avec sa famille et si cette éventualité venait à se produire en informer sans délai l’inspecteur  ».

L’usage de pseudonymes concourt à une rupture définitive. Les parents peuvent difficilement retrouver trace d’un enfant qui ne porte plus le nom initial.

L’exemple de la mère d’Irène Y., qui, célibataire, a abandonné sa fille puînée à la naissance, est instructif. Après son mariage, elle vient s’installer par hasard avec son époux et son aînée non loin de la nourrice de sa benjamine. Trouvant que les deux petites se ressemblent, la gardienne prend à partie la mère qui écrit alors à l’AP pour avoir des nouvelles :

 » Je vous supplie de bien vouloir me dire si la petite Irène Y. est vivante car je suis sa mère et maintenant je suis mariée et on veut reprendre notre petite …. Si je suis malade, c’est le regret de ma petite fille et surtout de recevoir des paroles comme j’en reçois. Mme H. fait marcher une petite fille de l’Assistance pour laquelle je crois toujours que c’est mon enfant. …Tous les jours quand je la vois, je me mets à pleurer et je me fais des idées noires car Mme H. quand elle me voit, va vite la chercher et elle se met à rire aux éclats en disant c’est malheureux d’avoir abandonné sa sœur, il faut avoir le cœur d’une vache. C’est dur pour une mère de recevoir ces paroles. […] Je l’ai mise à l’Assistance car c’était impossible pour moi de l’élever.  »

Dans une autre lettre, elle précise que la nourrice lui a montré le matricule de l’enfant et supplie de la reprendre. Irène Y. était connue par la nourrice sous son pseudonyme de Marie B. Pour la mère, il devait être particulièrement déconcertant de voir une petite fille ressembler à son enfant mais porter un nom différent. Dans sa première lettre, il est manifeste qu’elle est très ébranlée par la ressemblance mais n’a pas de certitude. Elle commence en effet par demander si sa fille est vivante. Dans cette situation, la divulgation du lieu de placement est plutôt favorable à la mère, à qui l’enfant est confiée assez rapidement, mais à titre d’essai.

La spécialisation de certaines nourrices pour les tout-petits dans le département dans la même période pourrait être en lien avec l’attribution de pseudonymes.

Cette hypothèse de changement de nom pour éviter que les parents ne retrouvent fortuitement leurs enfants est confortée par certaines pratiques antérieures de l’AP. Des départements ont organisé la coupure des pupilles de leur famille et lieu d’origine. Au xixe siècle, l’une des raisons de la création des agences de la Seine, dans le Morvan, l’Ouest et le Nord de la France était la mise à distance à plus de 150 km des parents, pour éviter que certains ne deviennent nourrices rémunérées de leurs enfants. Même les enfants déjà placés en nourrice sont partis dans un autre département. Lamartine a dénoncé, mais en vain, le caractère arbitraire de cette politique :

 » N’est-ce pas une rigueur ? Une peine ? Un exil ? Une barbarie ? Ah ! Demandez-le à votre propre cœur intimement interrogé, demandez-le à ces convois presque funèbres de ces enfants expatriés que nous rencontrons par longues files sur nos routes, le front pâle, les yeux mouillés, les visages mornes…  »

Les départements de la Seine-et-Oise et des Bouches-du-Rhône ont également eu des agences hors de leur département. Une circulaire du ministre de l’Intérieur du 21 juillet 1827 a organisé des échanges d’enfants trouvés et abandonnés entre départements limitrophes. La population devait en être avisée, pour susciter des reprises d’enfants et permettre ainsi des économies pour l’Assistance publique. Pour les enfants non repris, le changement de département conforte la rupture.

Par ailleurs, alors même que la loi de 1904 prévoit que les frères et les sœurs sont, autant que possible, placés dans la même famille, ou, au moins, dans la même commune, certains départements, comme les Bouches-du-Rhône, favorisent la dispersion des fratries.

L’éloignement se veut en premier une sanction contre les parents et en second une protection pour les enfants par rapport à une famille jugée défaillante.

Des pupilles ,enfants du seecret .

Il convient de resituer l’usage, si singulier, de pseudonymes dans le contexte du secret qui prévalait à l’époque, dans le dessein de donner à l’enfant une nouvelle existence, vierge de tout passé.

Plusieurs auteurs se sont fait l’écho des recherches des pupilles sur leurs origines. C’est parfois une quête tout au long de la vie. Amandine, qui ignorait même l’origine de son nom, écrivait en 2000, à 85 ans :

 » J’avoue avoir toujours au cœur cette grande peine de ne pas connaître ses racines. Cependant au fond de moi-même, je voue à cette maman (qui n’a pas voulu de son enfant ? ) la tendresse de lui dire au fond de moi-même je t’aimerai en silence, peut-être qu’un jour dans l’au-delà nous pourrons nous rencontrer. Cela m’aide à continuer la route.  »

Longtemps, le secret a été opposé aux pupilles. Un courrier adressé à un pupille qui demande en avril 1948 à connaître sa famille est à cet égard explicite :

 » Je ne puis que vous conseiller, comme je l’ai fait maintes fois, d’organiser sérieusement votre existence, seul, maintenant que vous êtes majeur et de vous créer vous-même un foyer lorsque le moment sera venu. »

La culture du secret évoluant avec le temps, certains pupilles qui avaient eu une fin de non-recevoir accèdent sur le tard à leur identité. Ainsi, Nicole A. née en 1943 se voit d’abord répondre en 1990 qu’elle est née de parents non dénommés et qu’il n’y a rien de plus au dossier. En 2000, elle peut consulter son dossier et il lui est remis une fiche où il est précisé qu’elle a été amenée à l’AP par sa mère, la date et lieu de naissance de cette dernière ainsi que sa profession et son lieu de résidence.

Le secret a longtemps prévalu, aussi dans les familles. Ainsi, en 1998, une femme demandait quelles étaient ses origines :

 »Ayant trouvé fortuitement (56 ans après) les documents concernant mon adoption (j’ignorais tout) ne sachant rien sur ma naissance et les trois premières années de ma vie. Serait-il possible de me communiquer tout ce qui concerne mon abandon et surtout le nom de mes parents biologiques…  »

Cette personne a découvert un certificat d’origine portant le nom de Maryvonne B. mais ignore que ce patronyme est celui de sa mère.

Parfois, ce sont les enfants qui font des démarches. Pour certains, ils n’apprennent le passé de leurs parents qu’au décès de ces derniers.

La communication des dossiers aux intéressés a été prévue par la loi du 17 juillet 1978 sur le droit d’accès aux documents administratifs et celle du 11 juillet 1979 qui l’applique aux documents nominatifs. Mais même alors, pour les pupilles, subsistent des divergences d’appréciation sur la possibilité de consulter ou non des informations concernant leurs parents ou leurs fratries. C’est la loi du 22 janvier 2002 qui marque un tournant décisif dans le droit pour les pupilles de connaître leurs origines, qu’ils aient été adoptés ou non. Seules deux restrictions existent : le cas où la mère a accouché en demandant le secret de son identité et celui où les parents ont demandé explicitement le secret de l’état civil, lors de l’abandon. En cas de doute sur la demande de secret par la mère, c’est le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles (CNAOP) qui doit être saisi et qui met tout en œuvre pour contacter la mère et connaître ses intentions. En outre, depuis 2002, il n’est plus possible au père ou à la mère de demander le secret de leur identité après la reconnaissance de leur enfant.

L’attribution si singulière de pseudonymes met en lumière combien étaient prégnantes la culture du secret et la volonté de rupture avec les familles d’origine, pendant la première moitié du 20ème siècle. Elle interroge sur les motivations qui président au secret et invite aussi à une constante vigilance sur le respect des droits des personnes, surtout les plus fragiles.

C’était il y a 64 ans …..


……..Les tibétains se soulevaient contre l’occupation chinoise le 10 mars 1959 .

Une cause bien éclipsée / oubliée aujourd’hui par la crise ukrainienne, mais la diaspora (Dispersion d’une communauté) à travers le monde ; la population tibétai­ne ainsi dispersée n’oublie pas ce rendez-vous annuel. Chaque année, le 10 mars, elle commémore le soulève­ment de 1959 au Tibet contre l’invasion chinoise.

Le 10 mars 1959, des dizaines de milliers d’hommes et de femmes sont descendus dans les rues de Lhassa pour réclamer l’indépendance du Tibet. Ce mouvement de protestation, porté par une population déjà exaspérée, fut réprimé dans un bain de sang (plus de 80 000 morts). Pékin considérait le Tibet comme appartenant à la zone d’influence chinoise, il n’était pas question d’imaginer son émancipation. ( Aujourd’hui, ce raisonnement est celui de Moscou à l’égard de l’Ukraine ).

Maintenant , la commémoration se déroule à l’extérieur du pays, particulièrement en Inde, où une partie des Tibétains sont réfugiés. Notamment dans la ville himalayenne de Dharamsala, dans le nord de l’Inde où est réfugié le Dalai Lama

le Dalai Lama

. Au Tibet, tout est verrouillé, la présence policière et militaire renforcée et le pays est fermé aux étrangers pour quelques jours. D’ailleurs,ceux-ci ont été rares en Chine ces derniers temps, en raison de l’épidémie de covid.

Suite aux manifestations de 2008 au Tibet, lourdement réprimées par l’État chinois (plus de 200 morts, 5 000 prisonniers, condamnations à de lourdes peines de prison et des exécutions), la situation au Tibet ne cesse d’empirer : on déplore plus de 2000 prisonniers politiques tibétains, des morts sous la torture, des disparitions forcées, des violences des forces de polices contre des rassemblements pacifiques entraînant des morts. Depuis 2009 au Tibet, quelque 150 Tibétains se sont immolés par le feu pour protester contre cette répression. La plupart sont morts. Pékin alourdit son emprise sur la région, depuis 2019 il prélève de manière systématique l’ADN des 3,5 millions de Tibétains comme il l’a fait pour les 23 millions de Ouïghours ( Les Ouïghours sont ethniquement et linguistiquement turcs, et sont majoritairement musulmans. Ils constituent l’un des groupes minoritaires les plus importants de Chine et sont confrontés, depuis des décennies, à diverses formes de persécution.) ;on ignore l’objectif précis de ce programme. En revanche, l’envoi de centaines de milliers d’enfants tibétains, âgés de 4 à 18 ans, dans des internats coloniaux chinois au Tibet, loin de leurs familles, est beaucoup plus clair : il vise à éradiquer la culture tibétaine

La Chine suit la crise ukrainienne avec intérêt, elle s’est abstenue à l’ONU de condamner l’agression russe. Elle le sait, un parallèle pourrait être fait avec l’invasion du Tibet en 1959. Elle est également dans le viseur de la communauté internationale pour sa politique d’élimination du peuple ouïghour et ses visées sur Taïwan.

(à lire : Himalaya à cœur ouvert, dans lequel, l’auteur Alain Laville, parle de la souffrance du peuple tibétain à travers une série de témoignages recueillis au Tibet.)

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Tibet /Chine .

c’était il y a envieon 80 ans …..


Décapitation de la  » Rose blanche  »

Le 22 février 1943, trois étudiants allemands d’une vingtaine d’années sont guillotinés dans la prison de Stadelheim, près de Munich. Leur crime est d’avoir dénoncé le nazisme au nom de leur foi chrétienne et catholique dans le cadre d’un mouvement clandestin,  » La Rose blanche  » (Die Weiße Rose en allemand).

Hans et Sophie Scholl et leur ami Christoph Probst

Les prémices de la résistance :

Résidant à Ulm et âgé de 14 ans en 1933, le lycéen Hans Scholl

Hans Scholl ?

….n’est pas au début insensible aux discours de Hitler.

Robert et Magdalene Scholl avec leurs enfants (Hans, le troisième, et Sophie, cinquième, dans le sens de la lecture)Comme tous les jeunes Allemands de son âge, il s’engage avec sa sœur Sophie (12 ans) dans les Jeunesses Hitlériennes mais prend assez vite ses distances.

Aidé par ses parents et encouragé par l’éditeur Carl Muth

Carl Muth ?

du mensuel catholique Hochland, il rompt avec le national-socialisme et se consacre à ses études de médecine.

Il lit les penseurs chrétiens (Saint Augustin, Pascal) et l’écriture sainte. Mais il est arrêté et emprisonné en 1938 pour sa participation à un groupe de militants catholiques.

Quatre ans plus tard, sa décision est prise. Il décide d’entrer en résistance par l’écrit après avoir lu des sermons de l’évêque de Münster Mgr von Galen

von Galen ?

dénonçant  la politique du gouvernement à l’égard des handicapés.

Un  »noyau dur  » se constitue autour de Hans et Sophie Scholl (protestants) et de trois étudiants en médecine que lie une solide amitié : Alexander Schmorell (25 ans, orthodoxe et fils d’un médecin de Munich) ; Christoph Probst (23 ans marié et père de trois jeunes enfants), et Willi Graf (24 ans, catholique). Ils sont bientôt rejoints par Traute Lafrenz

Traute Lafrenz

, une amie de Hans.

En juin 1942, alors que Hitler  est au sommet de sa puissance, le petit groupe décide d’appeler les étudiants de Munich à la résistance contre le régime nazi, qualifié de  » dictature du mal  ». Sophie se garde d’informer de ses actions son fiancé, un soldat engagé sur le front de l’Est.

La rose s’épanouit

En moins de quinze jours, les jeunes gens rédigent et diffusent 4 tracts, signés  » La Rose blanche  » (Die Weiße Rose). Imprimés dans l’atelier de Munich mis à leur disposition par l’écrivain catholique Théodore Haecker

Théodore Haecker

, ils sont diffusés de la main à la main, déposés chez des restaurateurs de la ville ou adressés par la poste à des intellectuels non-engagés, des écrivains, des professeurs d’université, des directeurs d’établissements scolaires, des libraires ou des médecins soigneusement choisis.

Les tracts font référence à d’éminents penseurs (Schiller, Goethe, Novalis, Lao Tseu, Aristote ) et citent parfois la Bible. Les lecteurs sont invités à participer à une  » chaîne de résistance de la pensée  » en les reproduisant et en les envoyant à leur tour au plus grand nombre possible de gens.

Le petit groupe de résistants est lié d'une forte amitié.

Après çà, Willi Graf est enrôlé dans l’armée en juillet 1942 et découvre nombre d’atrocités. Quant à Hans Scholl et Alexander Schmorell, incorporés comme maréchal des logis dans la Wehrmacht en tant qu’étudiants en médecine, ils passent trois mois sur le front russe et constatent avec effroi l’horreur des traitements infligés aux juifs, aux populations locales et aux prisonniers soviétiques.

À partir de novembre 1942, les résistants de La Rose Blanche bénéficient du soutien de leur professeur Kurt Huber (49 ans, catholique convaincu) de l’université de Munich, qui devient leur mentor. Ils réimpriment et diffusent leurs premiers tracts à des milliers d’exemplaires dans les universités allemandes et autrichiennes d’Augsbourg, Francfort, Graz, Hambourg, Linz, Salzburg, Sarrebruck, Stuttgart, Vienne et même de Berlin !

Le petit groupe collecte en même temps du pain pour les détenus de camps de concentration et s’occupe de leurs familles. Il est toutefois déçu par le peu d’écho de ses initiatives au sein de la population étudiante.

Prise de risque

Le hall de l'université de Munich où furent arrêtés les jeunes résistants.Là-dessus,  en janvier 1943, alors que la Wehrmacht est prise au piège de Stalingrad, le groupe rédige un cinquième tract franchement engagé. Il ne s‘intitule plus  » Tract de la Rose blanche  » mais  » Tract du mouvement de résistance en Allemagne  ».

Il est distribué à cinq mille exemplaires dans les rues, sur les voitures en stationnement et les bancs de la gare centrale de Munich, mais aussi en-dehors de l’agglomération !

On peut y lire ces mots d’une tragique lucidité  » Appel à tous les Allemands
La guerre approche de sa fin certaine. (…)

Allemands ! Voulez-vous subir et imposer à vos enfants le même sort qui échut aux Juifs ? Voulez-vous être jugés à la même aune que ceux qui vous ont trompés ? Serons-nous pour toujours le peuple que le monde hait et exclut ? Non ! Alors rejetez cette barbarie national-socialiste…  » . 

Plus fort encore, en février 1943, Hans Scholl et Alexander Schmorell écrivent la nuit des slogans sur les murs du quartier universitaire :  » Liberté ! Hitler massacreur des masses ! A bas Hitler !…  »

Une statue de Sophie Scholl, ornée de roses blanches, est aujourd'hui installée dans l'entrée de l'Université de Munich.Imprimé à plus de 2 000 exemplaires, distribué et envoyé par la poste, le sixième et dernier tract commente la défaite de Stalingrad , condamne les méthodes nazies et invite la jeunesse du pays à se mobiliser.

Comme quelques centaines de ces tracts n’ont pu être expédiés, Hans Scholl décide de les diffuser dans l’Université de médecine.

Malheureusement, le matin du 18 février 1943, Hans et sa soeur Sophie sont aperçus par le concierge de l’université en train de jeter un dernier paquet de tracts du haut du deuxième étage donnant sur le hall. Ils sont aussitôt arrêtés avec leurs amis, livrés à la Gestapo  et emprisonnés à Stadelheim.

Un procès expéditif

Roland Freisler ?

Le 22 février 1943, après une rapide instruction, le Tribunal du peuple (Volksgerichtshof) chargé des  » crimes politiques  » se réunit pour un procès expéditif de trois heures.

Il est présidé par Roland Freisler  , venu exprès de Berlin. Cet ancien communiste est l’un des chefs nazis les plus brutaux qui soient. Sophie Scholl, qui a eu une jambe brisée au cours de son  » interrogatoire  » par la Gestapo et comparaît sur des béquilles, lui fait face avec un courage inébranlable.

Freisler prononce lui-même la condamnation à mort pour trahison de Hans Scholl, de sa soeur et de leur ami Christoph Probst – baptisé quelques heures avant son exécution par un prêtre de la prison.

Sophie et Hans sont exécutés par les fonctionnaires de la prison de Stadelheim le jour-même après avoir revu une dernière fois leurs parents, Robert et Magdalene Scholl. Hans Scholl s’écrie  » Vive la Liberté !  »avant de mourir sur la guillotine (cet instrument a été importé de France en Bavière au XIXe siècle, à la suite des guerres napoléoniennes). Depuis, les trois jeunes martyrs reposent les uns à côté des autres dans le cimetière voisin de la forêt de Perlach.

Christoph Probst, père de trois enfants, a été exécuté avec Sophie et Hans Scholl.Quelques mois plus tard, un second procès frappe quatorze accusés pris dans la même vague d’arrestations : le professeur Kurt Huber, Alexander Schmorell et son camarade Willi Graf sont condamnés à mort.

À l’automne 1943, le réseau de Hambourg est lui aussi démantelé par la Gestapo.

Dix autres membres de la Rose Blanche ( amis des Scholl, jeunes étudiants des universités d’Ulm et de Sarrebruck, ou sympathisants actifs comme Eugen Grimminger qui les avait aidés financièrement ) sont envoyés en camp de concentration où ils paieront aussi de leur vie leur participation aux activités du mouvement.

Malgré son caractère confidentiel, la Rose Blanche bénéficie d’une notoriété nationale et même mondiale. Le 27 juin 1943, parlant de  » la naissance d’une foi nouvelle, celle de l’honneur et de la liberté  », l’écrivain allemand en exil Thomas Mann lui rend hommage sur les ondes de la BBC tandis que durant l’été 1943, l’aviation anglaise jette sur le pays un million d’exemplaires du dernier tract rédigé par le professeur Huber.

L’ami de coeur de Sophie, qui était sur le front de l’Est, obtient une permission sitôt qu’il apprend son arrestation mais il arrive à Munich deux heures après son exécution. Il va entrer dès lors dans la résistance au péril de sa vie…

La  »Rose Blanche » a vécu à peine un an mais la mémoire d’une lutte héroïque (contre la résignation et pour la défense de la liberté d’opinion lorsqu’elle est menacée ), elle, ne s’éteindra jamais)

Pourquoi de nombreux super héros…..


….auraient-ils une origine juive ?

Batman, Superman, Thor ou encore Captain America font partie de ces super héros qui occupent une place essentielle dans l’imaginaire et les loisirs du public contemporain, et notamment des jeunes spectateurs.

Ils ont d’abord occupé, dès les années 1940, les pages des « comics », ces bandes dessinées populaires concoctées par le groupe Marvel. Puis ils sont devenus les habitués de séries télévisées très suivies et de films attendus avec impatience aux quatre coins de la planète.

Parmi les créateurs de ces personnages, nombreux sont ceux qui viennent d’Europe. Et beaucoup d’entre eux sont juifs.

C’est notamment le cas de celui qui est peut-être le plus célèbre d’entre eux, Stan Lee

Stan Lee ?

. Disparu récemment, en 2018, il est à l’origine, avec Jack Kirby

Jack Kirby ?

, de beaucoup des super héros adulés aujourd’hui par tout un public d’aficionados éclairés.

On doit à ces deux auteurs non seulement Captain America et les Quatre Fantastiques, mais aussi Hulk, Thor ou encore les X-Men. Or, Stan Lee et Jack Kirby sont nés tous deux dans des familles juives venues d’Europe.

Pour exercer leurs activités, ils ont choisi des pseudonymes. Stan Lee s’appelle en réalité Stanley Lieber et Jack Kirby Jacob Kurtzberg. Cette origine juive n’est pas sans influence sur la création et le comportement de ces personnages.

Ainsi, « La Chose »

« La Chose »

, qui appartient aux « Quatre Fantastiques », est sans doute inspirée du « Golem »

« Golem »

, cette créature d’argile qui, dans la tradition juive, peut s’animer et prendre vie.

De même, le sauvetage de Superman

Superman

qui, tout enfant, est placé dans une fusée en partance pour la terre, n’est pas sans évoquer l’épisode où, dans la Bible, Moïse est installé dans un panier qui, dérivant sur le Nil, lui permet d’échapper aux persécutions du Pharaon.

Stan Lee, sensible aux souffrances des Juifs, martyrisés par les nazis, montre également Captain America

Captain America

en train de donner à Hitler un coup de poing magistral. Bob Kane

Bob Kane ?

, l’un des créateurs de Batman, et Will Eisner, le père du  »Spirit »

 »Spirit » ????

, un célèbre justicier masqué, sont eux aussi d’origine juive….

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B.D -comic’s

Anniversaires….


Depuis quand souhaite-t-on les anniversaires ?

Fêter sa naissance avec gâteau, bougies et cadeaux : aujourd’hui, cela semble naturel. Mais jusqu’à la Révolution, les Français s’en fichaient… car ils ignoraient leur date de naissance ! A la place, ils honoraient le jour de leur saint patron, ou celui de leur baptême. Les célébrations étaient collectives et placées sous l’égide de l’ Eglise .

On enregistre les naissance et non plus les baptêmes

C’est la République laïque qui va favoriser l’invention de l’anniversaire. A partir de 1792, les communes consignent  les naissances

dans les registres d’état civil.

Ancien registre d’état civil

Un acte fort, car jusqu’ici c’était l’Eglise qui enregistrait les baptêmes (pas les naissances). Fin XVIIIe, chez les bourgeois, on fête peu à peu sa venue au monde plutôt que son entrée dans la communauté des croyants.

fête d’anniversaire en famille aujourd’hui .

Quelle est l’origine du gâteau d’anniversaire ?

L’apparition du gâteau avec des bougies provient des Grecs qui avaient comme coutume de déposer des gâteaux ronds avec des bougies sur le Temple de la déesse Artémis. Ces bougies, symbolisant la lumière et le reflet terrestre de la déesse, étaient aussi l’occasion d’émettre un vœu en soufflant les bougies.( comme aujourd’hui )

Et les cadeaux ?

Au Moyen Age , la tradition était de donner un banquet pour son anniversaire. Celui qui était célébré était chargé de fournir le lieu et d’organiser la réception , mais demandait à chaque invité d’apporter un élément du repas !! C’est ce qui fait qu’au fil du temps ,la tradition du repas s’étant perdue , les amis offrent des cadeaux à ceux qui fêtent leur anniversaire ,à la place des  » mets  »

Pourquoi ce billet ?

Parce que aujourd’hui c’était  » mon » anniversaire .

Un 30 janvier….


….. 1810 il y a environ 213 ans :

Nicolas Appert invente les conserves alimentaires ( que je mange beaucoup )

Sous le 1er Empire, à Ivry-sur-Seine, le confiseur français Nicolas Appert ……

Nicolas Appert

…… invente un procédé de conservation des aliments en les chauffant dans des seaux hermétiques en verre, de façon à éliminer l’oxygène et les micro-organismes. 

L’administration impériale lui accorde une récompense de 12 000 francs le 30 janvier 1810, en échange de quoi l’inventeur renonce à breveter son invention. Il la détaille dans  »Le Livre de tous les ménages

Le Livre de tous les ménages ?

ou l’Art de conserver pendant plusieurs années toutes les substances animales et végétales  ».

Mais les Anglais se moquent / fichent de la générosité de ce  » bienfaiteur de l’humanité  » et, la même année, Peter Durand

Peter Durand

(un Français !), dépose le brevet à Londres.

La conservation par stérilisation

bocal conservation aliment à stérélisation .

a l’immense avantage de préserver les qualités nutritionnelles des aliments et notamment leur teneur en vitamine C. Elle va être d’un grand profit dans la prévention du scorbut chez les marins au long cours tant français qu’anglais.

Nicolas Appert poursuit ses recherches et en 1817, il met au point les premières boîtes de conserve en fer-blanc

Vieille conserve en fer

conserve aujourd’hui ?

. Cette fois, il veille à en déposer le brevet. Ses compatriotes, reconnaissants vont longtemps appelés son procédé  » appertisation  ». Maigre consolation pour l’inventeur qui mourra dans le dénuement en 1841, à 91 ans.

Vidéo :

Ma mère le faisait….

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Nicolas Appert
    » S’il est merveilleux de débrouiller les lois de la nature et de se laisser aller aux spéculations théoriques, il est encore plus  magnifique de conquérir une nouvelle industrie, et de donner, dans une plus large mesure, satisfaction aux besoins journaliers de l’existence  » ?
  Appert fut  un de ces génies utilitaires. Guidé par une idée dont on peut, au cours de sa vie , suivre les traces , il a fini par résoudre pratiquement ce problème difficile de la conservation des substances alimentaires  Il ne peut y avoir aucun doute à ce sujet. Bien sur,  d’autres avant lui avaient eu et avaient exprimé cette idée dont la simplicité est remarquable . Mais personne ne l’avait mise  » en pratique  » . La découverte de la conservation est bien due à Appert, puisque c’est lui qui l’a pratiquement réalisée.
  Parmi ses prédécesseurs, on cite notamment Boerhaave, Glauber et plus tard Gay-Lussac, qui ont indiqué des moyens de conservation. On a aussi attribué au pasteur livonien Eisen l’invention des conserves ( En fait , le pasteur Eisen s’était  borné à conserver des substances par la dessiccation ). Depuis Appert, l’industrie des conserves est devenue la base d’une grande industrie nationale.
  Nicolas Appert est né, en 1749, à Châlons-sur-Marne.  Peu de choses du début de sa vie sont connues , sinon que, jusqu’en 1796 il s’occupa du commerce des produits alimentaires.    On le retrouve, travaillant dans les caves de la Champagne, dans les brasseries, les offices, les magasins d’épicerie . La confiserie l’occupa plus longtemps , et, pendant quinze ans, il fut  confiseur, rue des Lombards.
   Ce serait  pendant cette période que son idée dominante  » germa  », prit corps et finit par occuper tout son temps. Il avait remarqué dans tous ses travaux à quel point  était importante  l’action du feu sur les substances alimentaires. C’est grâce au feu qu’il pouvait modifier non seulement le goût, mais aussi la nature de ses aliments ; il devait arriver à conserver ceux-ci par l’action du feu.
   Vers 1796 , Appert quitta le commerce et  s’établit à Ivry-sur-Seine. Il fut même nommé officier municipal de cette commune le 7 messidor an III (25 juin 1795) et exerça ces fonctions pendant plusieurs années. Son séjour à Ivry fut  » productif  ».    C’est là qu’à force de patience, de travail et de science, il obtint la réalisation pratique de son idée. Mais le moment était peu favorable pour l’industrie et le commerce. Appert dut avoir recours à des industriels anglais pour obtenir quelques fonds, et, en 1804, il quitta Ivry pour venir s’installer à Massy, où il fonda sa fabrique.
   La première application du procédé date donc de 1804, époque à laquelle Appert installa son usine à Massy. Celle-ci occupait une surface de 4 hectares, presque toute consacrée à la culture du pois et du haricots . Il y dirigeait les travaux. Les quelques rares personnes qui l’ont connu en parlèrent  plus tard d’un petit homme gai, travailleur, toujours prêt à renseigner chacun, aussi bon qu’actif, et qui avait, à Massy, su gagner l’amitié de tout le monde. Il occupait pendant la saison vingt-cinq à trente femmes pour écosser les pois et éplucher les haricots.
Dès le début, vers 1804, Appert fit constater officiellement par des expériences faites sur plusieurs navires la valeur de ses conserves. Cependant, tandis qu’il continuait à mener à Massy sa petite vie calme et laborieuse, sa découverte faisait grand bruit ; les corps savants, les journalistes, le public s’y intéressaient. Mi  mars 1809, la Société d’encouragement pour l’industrie nationale étudiait son  un rapport de sa commission sur le procédé.

  Les membres de la commission (  Guyton-Morveau, Parmentier, Bouriat ),   avaient examiné des substances conservées depuis plus de huit mois et leurs conclusions étaient des plus favorables à Appert. La presse lui adressait des louanges.  » M. Appert, disait le Courrier de l’Europe du 10 février 1809, a trouvé l’art de fixer les saisons : chez lui, le printemps, l’été, l’automne vivent en bouteilles, semblables à ces plantes délicates que le jardinier protège sous un dôme de verre contre l’intempérie des saisons.  » 

    Enfin, une commission officielle chargée d’étudier le procédé fut nommée. Le bureau consultatif des arts et manufactures accorda à Appert une somme de 12 000 francs à titre d’encouragement. Son ouvrage  »L’art de conserver pendant plusieurs années toutes les substances animales et végétales  » parut en 1810. Il s’y donnait comme titre « ancien confiseur et distillateur, élève de la bouche de la maison ducale de Christian IV ».
       Avant Appert, les principaux moyens de conservation employés étaient la dessiccation, l’usage du sel et celui du sucre. Or, par aucun de ces moyens, on ne peut conserver les aliments sous une forme rappelant l’état frais. Notre savant explique que « l’action du feu détruit, ou au moins neutralise tous les ferments, qui, dans la marche ordinaire de la nature, produisent ces modifications qui, en changeant les parties constituantes des substances animales et végétales, en altèrent les qualités. » L’ouvrage d’Appert fut rapidement épuisé ; il s’était vulgarisé et se désignait ordinairement sous le titre de Livre de tous les ménages. Une seconde édition en fut publiée en 1811 et une troisième en 1813.
  Une étape importante dans la vie d’Appert est le voyage qu’il fit à Londres en 1814. « Lors de mon voyage à Londres en 1814, dit-il dans la quatrième édition de son ouvrage, j’ai vu dans une taverne de la Cité, celle où la Banque donne ses fêtes, un appareil à vapeur fort simple, au moyen duquel on peut faire cuire tous les jours le dîner de cinq à six cents personnes. » L’emploi de la vapeur parut de suite indiqué à Appert pour faire en grand la cuisson des conserves.
   Le voyage à Londres avait un autre intérêt. Les Anglais s’étaient très vivement intéressés aux recherches d’Appert et un Français, Gérard, avait apporté à Londres les idées et l’ouvrage d’Appert. Une grande société s’était fondée qui, en moins de trois ans, perdit une somme de 100 000 francs en cherchant à rendre pratique la conserve enfermée dans des boîtes de fer-blanc. Une des grandes objections qui avaient été faites à Appert, notamment par la Commission officielle, était en effet la fragilité des vases de verre qu’il employait. La substitution du fer-blanc au verre devint la principale préoccupation d’Appert à sa rentrée en France.
     Obligé d’abandonner son établissement de Massy bouleversé en 1814 et 1815 par les alliés qui l’avaient transformé en hôpital, Appert se réfugia à Paris où il installa dans un petit logement, rue Cassette, les quelques appareils qu’il put emporter. Bien que fort gêné, il continua tant bien que mal à s’y livrer à ses recherches. Fort heureusement, le gouvernement lui accorda un local vaste et commode aux Quinze-Vingts et c’est là qu’à la suite de nouvelles recherches et de nouvelles expériences, il put porter plus loin ses perfectionnements.   

    L’inventeur  ne put jouir, dans les dernières années de sa vie, du fruit de ses labeurs et de sa découverte. Préoccupé par son travail, il ne s’apercevait pas qu’il y dépensait toute sa fortune et tous ses gains. En 1816, sa fabrique de Massy, couverte d’hypothèques, du être vendue. Si Appert était inventeur n’était pas du tout un commerçant et il  »essuya  » plusieurs déboires. Il dut se retirer à Massy dans une petite maison dite « maison du Cadran ». Là, il continua à travailler, aidé dans une bien faible mesure, par la rente que lui versait  l’État.
   Mais il devenait plus faible, son existence devint triste : Il ne trouva plus la force de perfectionner sa découverte, il n’eût même pas la joie de se sentir entouré et aimé par les siens. Une vieille servante seule resta auprès de lui. Depuis longtemps il était séparé de sa femme et aucun parent ne vint consoler le vieillard. C’est dans l’abandon qu’il mourut le 1er juin 1841, et son corps fut placé dans la fosse commune.

Les prêtres ouvriers ……qui/que sont ils


Dès le début du XXe siècle, certains prêtres s’engagent, à titre individuel, dans le monde du travail. Ces ecclésiastiques, et ceux qui les suivront, ressentent le besoin de partager, en travaillant à leurs côtés, les problèmes quotidiens des ouvriers.

Il leur semble que c’est le meilleur moyen de mettre en pratique les valeurs évangéliques de partage et de fraternité, et de rester ainsi fidèles à l’esprit de leur mission sacerdotale.

Travailler en commun, avec les mineurs ou les dockers, leur paraît d’autant plus important que, durant la Seconde Guerre mondiale, un livre, promis à un grand retentissement, alerte sur la déchristianisation des milieux ouvriers.

L’expérience commence, de manière officielle, dès 1942. Après la guerre, de nombreux prêtres-ouvriers travaillent en usine, dans les ports ou sur les chantiers.

L’Église a autorisé le mouvement, mais du  »bout des lèvres  ». En effet, la hiérarchie catholique éprouve des réticences envers cette expérience des prêtres-ouvriers.

Elle leur paraît , en effet ,incompatible avec la neutralité que le prêtre, pasteur de l’ensemble de ses ouailles, doit conserver dans l’exercice de son ministère. Et, de fait, plusieurs prêtres-ouvriers s’engagent dans des syndicats ou même des partis politiques.

Ils participent également à des manifestations et à des grèves. Du coup , en 1954, Pie XII

Pie XII ?

encadre de manière plus stricte cette expérience, réduisant à trois heures quotidiennes le temps que le prêtre peut consacrer à son travail et lui interdisant tout engagement syndical.

Attaché à une conception moins engagée du sacerdoce, Jean XXIII

Jean XXIII ?

mettra même fin à l’expérience en 1959.

Le Concile Vatican II, en 1965, change cependant la donne. À sa suite, Paul VI permet à nouveau le travail des prêtres. Ils sont désormais encadrés par la  »Mission ouvrière  », qui regroupe les acteurs de l‘évangélisation en milieu ouvrier.

L’expérience est d’abord un succès, puisqu’on compte environ 800 prêtres-ouvriers au milieu des années 1970. Mais, par la suite, leur nombre décroît peu à peu. Selon certaines sources, ils seraient environ 300 en 2020, mais, la plupart étant en retraite, il n’en resterait qu’une quinzaine encore en activité.

Racisme :


.……..1er décembre 1955

Arrestation de Rosa Parks………

Rosa Parks (1913-2005) le jour de son arrestationLe 1er décembre 1955, Rosa Parks, une femme noire de 42 ans, est arrêtée pour avoir refusé de céder sa place à un blanc dans un bus de la ville de Montgomery, en Alabama (États-Unis).

Comme d’autres avant elle, elle refuse de se conformer à la politique du separate but equal ( » séparés mais égaux  ») en vigueur depuis l’arrêt Plessy de 1896.

Ed Nixon, responsable du bureau local de la NAACP (National association for the advancement of colored people), où Rosa Parks travaille comme secrétaire, prend contact avec l’avocat Clifford Durr. Ils font libérer la jeune femme et celle-ci accepte de devenir la figure de proue emblématique du collectif  » Montgomery Improvement association  ».

Le pasteur Martin Luther King (26 ans), qui anime ce collectif, lance dès lors le boycott de la compagnie d’autobus. Cette forme d’action non-violente inspirée de Gandhi est une première dans l’histoire des États-Unis et de l’Occident en général (on a seulement le souvenir de l’Irlandais Jonathan Swift qui recommandait de  » brûler tout ce qui vient d’Angleterre, hors le charbon  » ; et c’est aussi d’Irlande que nous vient l’invention du boycott).

Les noirs de Montgomery choisissent donc jour après jour de marcher plutôt que de prendre l’autobus. Privée de recettes, la compagnie doit rendre les armes et met fin à la ségrégation dans ses autobus.

Mais l’affaire n’en reste pas là et prend très vite une ampleur nationale car les dirigeants du mouvement noir font aussi appel auprès de la cour fédérale de l’Alabama afin de clamer le caractère inconstitutionnel de la ségrégation raciale dans les transports publics. Ils remportent une première victoire avec la condamnation de la ségrégation raciale dans les bus par la Cour suprême de l’Alabama, le 5 juin 1956.

La décision est confirmée le 5 décembre par la Cour Suprême des États-Unis. Le 20 décembre 1956, enfin assurés de leur victoire, les noirs de Montgomery mettent fin à 381 jours de boycott et remontent dans les bus. C’est le début d’une longue lutte non-violente pour l’intégration des noirs dans la société américaine.

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Non au racisme!!

Cher frère blanc

Quand je suis né, j’étais noir

Quand j’ai grandi, j’étais noir

Quand je suis au soleil, je suis noir

Quand j’ai peur je suis noir

Tandis que toi frère blanc,

Quand tu es né, tu étais rose

Quand tu as grandi, tu es blanc

Quand tu vas au soleil, tu es rouge

Quand tu as froid, tu es bleu

Quand tu es malade, tu es jaune

Et après cela, tu as le toupet de m’appeler

  HOMME DE COULEUR !!!!!!

Lucky Luke : la véritable histoire des Dalton….!


frères de crime et de sang

Billet à revoir !;

Les vrais frères Dalton .

De 1890 à 1892, ces bandits semèrent la terreur de l’Oklahoma jusqu’au Nouveau-Mexique. Bien loin des personnages de la BD, maladroits et désopilants

On les connaît surtout sous le crayon de Morris,

 »méchants’ indissociables des aventures de Lucky Luke, et qui semblent collectionner toutes les tares : cupidité, stupidité, incompétence… Comme pour de nombreux personnages de ses bandes dessinées, le génie du neuvième art s’est inspiré des hors-la-loi du Grand Ouest : car les frères Dalton ont réellement existé et se rendirent célèbres pour leurs multiples attaques de banques et de trains. Mais avant de devenir bandits de grand chemin, Emmett, Bill, Grat et Bob furent des enfants modèles.Bill ( à gauche ) et Emmett Dalton. Si les Dalton étaient bien des criminels redoutés jusqu’au Nouveau-Mexique, ils n’étaient ni jumeaux ni de tailles échelonnées ! 

 »La famille Dalton est emblématique de ce qu’on appelle la “Frontière” (qui signifie aux Etats-Unis la lente avancée vers l’ouest ). Elle est très attachée aux mœurs puritaines, et porteuse du rêve américain selon lequel tout le monde, à force de travail et de courage, peut atteindre ses objectifs », explique Farid Ameur, historien, auteur de Héros et légendes du Far West  Voici les valeurs que partagent Lewis Dalton, travailleur acharné devenu tenancier de bar, et Adeline Younger. Uni le 12 mars 1851 à Kansas City (Missouri), le couple s’établit pendant une trentaine d’années dans une modeste ferme de la région. Là, il donne naissance à quinze enfants dont trois meurent en bas âge. Les survivants grandissent dans un environnement marqué par la violence et la pauvreté : l’Etat, à la frontière entre le Nord et le Sud, est ravagé par les batailles de la guerre de Sécession, puis déchiré par les règlements de compte entre partisans des deux camps.

Comme l’explique Farid Ameur,  »le brigandage apparaît alors comme une forme de revanche pour ceux qui n’ont pas accepté la défaite du Sud. Par exemple, Jesse James, célèbre bandit, soutient que les banques font partie des profiteurs du Nord et qu’il est juste de s’y attaquer. Les Dalton porteront cet héritage, d’autant que leur mère est parente des frères Younger, bandits associés à Jesse James. Ils en feront leur modèle ». En 1882, chassés par de maigres récoltes, la famille s’établit au sud-est du Kansas, à quelques kilomètres de Coffeyville. Deux ans plus tard, ils gagnent les Territoires indiens qui s’ouvrent à la colonisation, dans l’actuel Oklahoma. D’une ferme à l’autre, le rude quotidien des garçons ne varie guère : ils aident leur père Lewis à récolter maïs et betteraves, nourrissent les cochons. Tous respectent les préceptes de la Bible. Adeline veille à une éducation rigoureuse qui semble porter ses fruits. Les deux aînés, Ben et Cole, obtiennent un diplôme universitaire. Un autre fils, Bill, tente sa chance en Californie . Et, surtout, Frank, depuis toujours arbitre des disputes familiales, choisit le camp de la loi : en 1884, il part exercer la mission de Marshall fédéral adjoint à Fort Smith, dans l’Arkansas. La fratrie est bien partie pour incarner le rêve américain.

Une famille frappée par le malheur

Tout bascule trois ans plus tard. Un jour d’hiver 1887, la famille voit arriver un lugubre cortège à la ferme. Des Marshall ramènent le cadavre de Frank, assassiné d’une balle en pleine tête par un voleur de chevaux qu’il traquait aux confins du territoire cherokee. Comme un malheur n’arrive jamais seul, le père Dalton, profondément alcoolique, quitte le foyer familial, ne laissant que des dettes à sa femme et à ses fils. On propose à Grattan, surnommé Grat, de reprendre le poste de son aîné, laissé vacant. Il accepte, à condition de s’adjoindre les services de son petit frère Emmett, alors âgé de 16 ans. Robert, dit Bob, 18 ans, devient parallèlement chef de la police indienne de la tribu des Osages. Trois frères, trois hommes de loi : Frank pourrait être fier d’eux… Sauf que Grat, Bob et Emmett passent difficilement pour des modèles de probité et de vertu.

Rapidement, les trois abusent de leur autorité, rackettent les commerçants, volent des chevaux. Ils se gênent d’autant moins que Washington tarde régulièrement à envoyer leur paie. Pour Farid Ameur,  »il n’était pas rare que les Marshall soient payés avec beaucoup de retard. De plus, si cette mission était considérée comme un honneur, elle était aussi très dangereuse. Il était courant que les Marshall en tirent un profit personnel ».

Les Dalton sèment la terreur, multiplient vols de chevaux et trafics d’alcool en territoire indien

Parmi les trois frères, Bob s’impose déjà comme le meneur.  »Ses yeux bleus avaient ce regard d’acier devant lequel chaque être […] semblait se plier inconsciemment », décrit le journaliste Eye Witness, dans Le Gang des Dalton (publié en 1892). Violent, irascible, Bob ne se cantonne pas à l’escroquerie : en août 1889, il assassine froidement Charlie Montgomery, un cow-boy   qui a osé courtiser sa prétendante, prétextant l’avoir surpris en plein trafic d’alcool. C’en est trop pour les autorités : face aux méfaits répétés des Dalton, on finit par les priver de leur insigne et de toute apparence de légalité. Dès lors, Bob et Grat basculent définitivement du côté des hors-la-loi : en 1890, le premier est inculpé pour trafic d’alcool en territoire indien, tandis que le second est soupçonné de vol de chevaux, un crime passible de la peine de mort. Ils prennent alors la fuite.

C’est ainsi que le clan Dalton, qui sèmera la terreur dans l’Ouest deux années durant, se constitue au Nouveau-Mexique, au terme de 1 600 kilomètres de chevauchée. Bob et Grat sont accompagnés d’Emmett, qui a renoncé aux tendres attentions de Julia pour suivre ses frères. Trois amis les suivent, dont un certain Charlie Bryant. A l’été 1890, à Silver City, la bande braque une salle de jeu. Fuyant les Marshall du juge Parker, surnommé « »e juge de la potence », les Dalton rejoignent leur frère Bill en Californie. Là, ils sont accusés d’avoir braqué un train et tué le conducteur, le 6 février 1891. Sont-ils coupables ? Les preuves sont minces mais leur réputation est faite et ils sont recherchés.

Grat est capturé puis emprisonné, tandis que Bob et Emmett s’enfuient vers les terres de leur enfance. Avec trois ou quatre malfrats, ils se planquent dans le Cherokee Strip, bande de terre sauvage située entre l’Oklahoma et le Kansas. Depuis ces étendues arides, refuges traditionnels des hors-la-loi, le gang armé surgit au galop pour attaquer des diligences, voler des pur-sang ou piller des entrepôts avant de s’en retourner dormir à la belle étoile. Parfois, ils prennent le risque d’une visite éclair à leur chère maman…

La spécialité des Dalton : les attaques de trains….

La bande se spécialise dans les attaques de trains : quatre en moins de deux ans, du Nouveau-Mexique à l’Iowa en passant par l’Oklahoma. Chargés de sacs de dollars convoyés par la Wells Fargo, les trains sont une cible de choix, d’autant que le gang dispose d’une arme secrète : Eugenia Moore, la compagne de Bob, une aventurière qui joue les informatrices. A l’été 1892, elle prévient les Dalton que, dans la petite ville de Red Rock, le train ne s’arrête qu’au signal de l’aiguilleur. Les bandits contraignent alors l’infortuné à agiter sa lanterne pour stopper le convoi avant de braquer le convoyeur.

L’étau se resserre sur les frères Dalton :

Si un passant succombe parfois à une balle perdue, les raids opérés par le gang sont rarement meurtriers. Mais leur réputation grandissante nuit à celle des compagnies ferroviaires et de la Wells Fargo qui finissent par promettre 40 000 dollars pour la capture des bandits. Les chasseurs de primes rejoignent des shérifs opiniâtres, comme Ransom Payne, dans la traque du gang. Terrés, à court de ressources, éprouvés par la perte de Charlie Bryant abattu lors d’un braquage, les Dalton sentent l’étau se resserrer autour d’eux. Seul le retour de Grat, échappé de la Californie, les réconforte un peu.

Rêvant d’une nouvelle vie au Mexique, Bob imagine finir la carrière du gang par un exploit qui surpassera ceux des frères Younger : il veut braquer deux banques en même temps à Coffeyville, ville paisible familière aux Dalton. Malchance ou amateurisme ? L’exploit escompté va virer à la tuerie… Le 5 octobre 1892 au matin, cinq cavaliers arborant des fausses barbes s’engagent dans la rue principale. Mauvaise surprise, des travaux en bloquent l’accès : le gang doit poster les chevaux à distance des banques et poursuivre à pied. Bob et Emmett s’en vont attaquer la First National Bank, braquant clients et caissiers, tandis que quelques rues plus loin, Grat, Bill Powers et Dick Broadwell font de même à la Condon Bank. Là, un courageux caissier convainc Grat de patienter quelques minutes avant l’ouverture du coffre commandé par une minuterie. Il s’agit d’une ruse, et c’est plus qu’il n’en faut pour que les commerçants de la ville, qui ont reconnu les Dalton, se préparent à les cueillir à la sortie. Quand les bandits tentent la fuite, c’est le carnage : en dix minutes, sur le sol gisent huit cadavres, dont celui de quatre des cinq bandits. A côté d’eux, des sacs contenant 23 240 dollars… La fin du gang Dalton a sonné, pour l’immense soulagement des habitants de la ville. Tous défilent à la prison où sont exhibées les dépouilles des brigands, pendant qu’Adeline veille sur Emmett, criblé de vingt et une balles de chevrotine.Le braquage de Coffeyville, en 1892, fera quatre victimes : Bill Powers, Dick Broadwell et deux des frères Dalton, Grat et Bob. Emmett, le survivant, blessé de 21 balles, passera quatorze ans en prison avant d’être finalement libéré. Bettmann

 » En 1892, la conquête de l’Ouest  est quasiment terminée, le climat s’est apaisé. Avec son dénouement spectaculaire, Coffeyville représente le dernier sursaut de l’Amérique sauvage. Sans cet épisode, on se serait souvenus des Dalton comme d’une bande quelconque », analyse Farid Ameur. Le destin d’Emmett, qui a survécu à la tuerie, va aussi contribuer à la notoriété des Dalton. Condamné à perpétuité le 8 mars 1893, il est expédié dans une prison d’Etat du Texas. Il y apprend la mort de Bill, tué par des Marshall après avoir, lui aussi, pris la voie du banditisme. On considère qu’il s’agit du véritable épilogue des affaires criminelles de la famille. Car sa bonne conduite vaut à Emmett d’être libéré au bout de quatorze ans. C’est ainsi qu’à 36 ans, il épouse sa fidèle Julia, devient agent immobilier en Californie et écrit ses mémoires, avant de travailler dans le cinéma. En 1916, il joue son propre rôle dans  » The Man of the Desert  »: acteur de la Frontière puis d’Hollywood, il incarne de son vivant sa propre légende, avant de mourir à Los Angeles, en 1937.

C’était il y a…


……120 ans! :

Décès de Monsieur Georges Brassens :

22 octobre 1921 – 29 octobre 1981

Biographie Georges Brassens

Originaire de Cette (on écrit aujourd’hui Sète), petit port du Languedoc, le futur poète  » monte  » à Paris en février 1940 ( environ à 21 ans) Il trouve asile chez sa tante Antoinette

 »tante Antoinette »

et apprend la musique sur son piano.

Anarchiste et pacifiste de cœur, il est indifférent au contexte dramatique de l’époque. En 1943, il est envoyé dans un camp de travailleurs à Basdorf, près de Berlin, au titre du S.T.O (Service Obligatoire du Travail) . Il s’enfuit un an plus tard, à la faveur d’une permission, et se réfugie chez Jeanne et Marcel Planche

Jeanne Planche (l), René Fallet (foreground on l), Marcel Planche ,Pierre Onteniente, ( 1960)

, au 9, impasse Florimont (14e arrondissement). Il y restera 22 ans. Pour Jeanne, il écrit La cane de Jeanne et pour Marcel, qui tient un bistrot dans la rue d’Alésia voisine, sa plus célèbre chanson : L’Auvergnat.

Pour sa compagne  »Pupchen  »

Avec  »Pupchen »

, rencontrée en 1947 et à laquelle il restera toujours fidèle, il écrit aussi La non demande en mariage. Ayant abandonné le piano pour la guitare en 1951, il multiplie les auditions sans succès. Au bord du découragement, le 24 janvier 1952, il obtient enfin sa chance grâce à la chanteuse Patachou

Patachou

qui l’a pris en affection et, malgré son trac, accepte de le produire dans son cabaret de Montmartre. La consécration vient deux ans plus tard, le 23 septembre 1954 ( il a 33 ans ), à l’Olympia.

quelques chansons ( textes )

Les Copains d’abord

Non, ce n’était pas le radeau
De la Méduse, ce bateau
Qu’on se le dise au fond des ports
Dise au fond des ports
Il naviguait en père peinard
Sur la grand-mare des canards
Et s’appelait les Copains d’abord
Les Copains d’abord

Ses fluctuat nec mergitur
C’était pas d’la littérature
N’en déplaise aux jeteurs de sort
Aux jeteurs de sort
Son capitaine et ses matelots
N’étaient pas des enfants d’salauds
Mais des amis franco de port
Des copains d’abord

C’était pas des amis de luxe
Des petits Castor et Pollux
Des gens de Sodome et Gomorrhe
Sodome et Gomorrhe
C’était pas des amis choisis
Par Montaigne et La Boétie
Sur le ventre, ils se tapaient fort
Les copains d’abord

C’était pas des anges non plus
L’Évangile, ils l’avaient pas lu
Mais ils s’aimaient toutes voiles dehors
Toutes voiles dehors
Jean, Pierre, Paul et compagnie
C’était leur seule litanie
Leur Credo, leur Confiteor
Aux copains d’abord

Au moindre coup de Trafalgar
C’est l’amitié qui prenait l’quart
C’est elle qui leur montrait le nord
Leur montrait le nord
Et quand ils étaient en détresse
Qu’leurs bras lançaient des S.O.S
On aurait dit des sémaphores
Les copains d’abord

Au rendez-vous des bons copains
Y avait pas souvent de lapins
Quand l’un d’entre eux manquait à bord
C’est qu’il était mort
Oui, mais jamais, au grand jamais
Son trou dans l’eau n’se refermait
Cent ans après, coquin de sort
Il manquait encore

Des bateaux j’en ai pris beaucoup
Mais le seul qu’ait tenu le coup
Qui n’ait jamais viré de bord
Mais viré de bord
Naviguait en père peinard
Sur la grand-mare des canards
Et s’appelait les Copains d’abord
Les Copains d’abord

Des bateaux j’en ai pris beaucoup
Mais le seul qu’ait tenu le coup
Qui n’ait jamais viré de bord
Mais viré de bord
Naviguait en père peinard
Sur la grand-mare des canards
Et s’appelait les Copains d’abord
Les Copains d’abord

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 » La mauvaise réputation  »:

Au village, sans prétention
J’ai mauvaise réputation
Qu’je me démène ou que je reste coi
Je passe pour un je-ne-sais-quoi

Je ne fais pourtant de tort à personne
En suivant mon chemin de petit bonhomme

Mais les braves gens n’aiment pas que
L’on suive une autre route qu’eux
Non, les braves gens n’aiment pas que
L’on suive une autre route qu’eux

Tout le monde médit de moi
Sauf les muets, ça va de soi

Le jour du 14 juillet
Je reste dans mon lit douillet
La musique qui marche au pas
Cela ne me regarde pas

Je ne fais pourtant de tort à personne
En n’écoutant pas le clairon qui sonne

Mais les braves gens n’aiment pas que
L’on suive une autre route qu’eux
Non, les braves gens n’aiment pas que
L’on suive une autre route qu’eux

Tout le monde me montre au doigt
Sauf les manchots, ça va de soi

Quand j’croise un voleur malchanceux
Poursuivi par un cul-terreux
J’lance la patte et, pourquoi le taire?
Le cul-terreux se retrouve par terre

Je ne fais pourtant de tort à personne
En laissant courir les voleurs de pommes

Mais les braves gens n’aiment pas que
L’on suive une autre route qu’eux
Non, les braves gens n’aiment pas que
L’on suive une autre route qu’eux

Tout le monde se rue sur moi
Sauf les cul-de-jatte, ça va de soi

Pas besoin d’être Jérémie
Pour deviner le sort qui m’est promis
S’ils trouvent une corde à leur goût
Ils me la passeront au cou

Je ne fais pourtant de tort à personne
En suivant les chemins qui ne mènent pas à Rome

Mais les brave gens n’aiment pas que
L’on suive une autre route qu’eux
Non, les braves gens n’aiment pas que
L’on suive une autre route qu’eux

Tout le monde viendra me voir pendu
Sauf les aveugles, bien entendu

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Les Amoureux des bancs publiques :

Les gens qui voient de travers pensent que les bancs verts
Qu’on voit sur les trottoirs
Sont faits pour les impotents ou les ventripotents
Mais c’est une absurdité car à la vérité, ils sont là c’est notoire
Pour accueillir quelque temps les amours débutants

Les amoureux qui s’bécotent sur les bancs publics
Bancs publics, bancs publics
En s’foutant pas mal du regard oblique des passants honnêtes
Les amoureux qui s’bécotent sur les bancs publics
Bancs publics, bancs publics
En s’disant des « je t’aime » pathétiques
Ont des petites gueules bien sympathiques

Ils se tiennent par la main, parlent du lendemain, du papier bleu d’azur
Que revêtiront les murs de leur chambre à coucher
Ils se voient déjà doucement elle cousant, lui fumant dans un bien-être sûr
Et choisissent les prénoms de leur premier bébé

Les amoureux qui s’bécotent sur les bancs publics
Bancs publics, bancs publics
En s’foutant pas mal du regard oblique des passants honnêtes
Les amoureux qui s’bécotent sur les bancs publics
Bancs publics, bancs publics
En s’disant des « je t’aime » pathétiques
Ont des p’tites gueules bien sympathiques

Quand la sainte famille machin croise sur son chemin deux de ces malappris
Elle leur décoche hardiment des propos venimeux
N’empêche que toute la famille
Le père, la mère, la fille, le fils, le Saint Esprit
Voudrait bien de temps en temps pouvoir s’conduire comme eux

Les amoureux qui s’bécotent sur les bancs publics
Bancs publics, bancs publics
En s’foutant pas mal du regard oblique des passants honnêtes
Les amoureux qui s’bécotent sur les bancs publics
Bancs publics, bancs publics
En s’disant des « je t’aime » pathétiques
Ont des p’tites gueules bien sympathiques

Quand les mois auront passé, quand seront apaisés leurs beaux rêves flambants
Quand leur ciel se couvrira de gros nuages lourds
Ils s’apercevront émus qu’c’est au hasard des rues sur un d’ces fameux bancs
Qu’ils ont vécu le meilleur morceau de leur amour

Les amoureux qui s’bécotent sur les bancs publics
Bancs publics, bancs publics
En s’foutant pas mal du regard oblique des passants honnêtes
Les amoureux qui s’bécotent sur les bancs publics
Bancs publics, bancs publics
En s’disant des « je t’aime » pathétiques
Ont des p’tites gueules bien sympathiques

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Chanson pour l’Auvergnat :

Elle est à toi, cette chanson
Toi, l’Auvergnat qui, sans façon
M’as donné quatre bouts de bois
Quand dans ma vie il faisait froid
Toi qui m’as donné du feu quand
Les croquantes et les croquants
Tous les gens bien intentionnés
M’avaient fermé la porte au nez

Ce n’était rien qu’un feu de bois
Mais il m’avait chauffé le corps
Et dans mon âme il brûle encore
À la manière d’un feu de joie

Toi, l’Auvergnat quand tu mourras
Quand le croque-mort t’emportera
Qu’il te conduise, à travers ciel
Au Père éternel

Elle est à toi, cette chanson
Toi, l’hôtesse qui sans façon
M’as donné quatre bouts de pain
Quand dans ma vie il faisait faim
Toi qui m’ouvris ta huche quand
Les croquantes et les croquants
Tous les gens bien intentionnés
S’amusaient à me voir jeûner

Ce n’était rien qu’un peu de pain
Mais il m’avait chauffé le corps
Et dans mon âme il brûle encore
À la manière d’un grand festin

Toi l’hôtesse quand tu mourras
Quand le croque-mort t’emportera
Qu’il te conduise à travers ciel
Au Père éternel

Elle est à toi cette chanson
Toi, l’étranger qui sans façon
D’un air malheureux m’as souri
Lorsque les gendarmes m’ont pris
Toi qui n’as pas applaudi quand
Les croquantes et les croquants
Tous les gens bien intentionnés
Riaient de me voir amené

Ce n’était rien qu’un peu de miel
Mais il m’avait chauffé le corps
Et dans mon âme il brûle encore
À la manière d’un grand soleil

Toi l’étranger quand tu mourras
Quand le croque-mort t’emportera
Qu’il te conduise, à travers ciel
Au Père éternel

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Le gorille :

C’est à travers de larges grilles
Que les femelles du canton
Contemplaient un puissant gorille
Sans souci du qu’en-dira-t-on
Avec impudeur, ces commères
Lorgnaient même un endroit précis
Que, rigoureusement, ma mère
M’a défendu d’nommer ici
Gare au gorille!

Tout à coup la prison bien close
Où vivait le bel animal
S’ouvre, on n’sait pourquoi, je suppose
Qu’on avait dû la fermer mal
Le singe, en sortant de sa cage
Dit « c’est aujourd’hui que j’le perds! »
Il parlait de son pucelage
Vous aviez deviné, j’espère!
Gare au gorille!

L’patron de la ménagerie
Criait, éperdu « nom de nom!
C’est assommant, car le gorille
N’a jamais connu de guenon! »
Dès que la féminine engeance
Sut que le singe était puceau
Au lieu de profiter de la chance
Elle fit feu des deux fuseaux!
Gare au gorille!

Celles-là même qui, naguère
Le couvaient d’un œil décidé
Fuirent, prouvant qu’elles n’avaient guère
De la suite dans les idées
D’autant plus vaine était leur crainte
Que le gorille est un luron
Supérieur à l’homme dans l’étreinte
Bien des femmes vous le diront!
Gare au gorille!

Tout le monde se précipite
Hors d’atteinte du singe en rut
Sauf une vieille décrépite
Et un jeune juge en bois brut
Voyant que toutes se dérobent
Le quadrumane accéléra
Son dandinement vers les robes
De la vieille et du magistrat!
Gare au gorille!

« Bah! soupirait la centenaire
Qu’on pût encore me désirer
Ce serait extraordinaire
Et, pour tout dire, inespéré! »
Le juge pensait, impassible
« Qu’on me prenne pour une guenon
C’est complètement impossible »
La suite lui prouva que non!
Gare au gorille!

Supposez que l’un de vous puisse être
Comme le singe, obligé de
Violer un juge ou une ancêtre
Lequel choisirait-il des deux?
Qu’une alternative pareille
Un de ces quatre jours, m’échoie
C’est, j’en suis convaincu, la vieille
Qui sera l’objet de mon choix!
Gare au gorille!

Mais, par malheur, si le gorille
Aux jeux de l’amour vaut son prix
On sait qu’en revanche il ne brille
Ni par le goût ni par l’esprit
Lors, au lieu d’opter pour la vieille
Comme l’aurait fait n’importe qui
Il saisit le juge à l’oreille
Et l’entraîna dans un maquis!
Gare au gorille!

La suite serait délectable
Malheureusement, je ne peux
Pas la dire, et c’est regrettable
Ça nous aurait fait rire un peu
Car le juge, au moment suprême
Criait « maman! », pleurait beaucoup
Comme l’homme auquel, le jour même
Il avait fait trancher le cou
Gare au gorille!

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Je me suis fait tout petit

Je n’avais jamais ôté mon chapeau
Devant personne
Maintenant je rampe et je fais le beau
Quand elle me sonne
J’étais chien mchant, elle me fait manger
Dans sa menotte
J’avais des dents d’loup, je les ai changés
Pour des quenottes

Je m’suis fait tout petit devant une poupée
Qui ferme les yeux quand on la couche
Je m’suis fait tout petit devant une poupée
Qui fait « Maman » quand on la touche

J’étais dur à cuire, elle m’a converti
La fine mouche
Et je suis tombé tout chaud, tout rôti
Contre sa bouche
Qui a des dents de lait quand elle sourit
Quand elle chante
Et des dents de loup, quand elle est furie
Qu’elle est méchante

Je m’suis fait tout petit devant une poupée
Qui ferme les yeux quand on la couche
Je m’suis fait tout petit devant une poupée
Qui fait « Maman » quand on la touche

Je subis sa loi, je file tout doux
Sous son empire
Bien qu’elle soit jalouse au-delà de tout
Et même pire
Une jolie pervenche qui m’avait paru
Plus jolie qu’elle
Une jolie pervenche un jour en mourut
À coups d’ombrelle

Je m’suis fait tout petit devant une poupée
Qui ferme les yeux quand on la couche
Je m’suis fait tout petit devant une poupée
Qui fait « Maman » quand on la touche

Tous les somnambules, tous les mages m’ont
Dit sans malice
Qu’en ses bras en croix, je subirai mon
Dernier supplice
Il en est de pires, il en est d’meilleurs
Mais tout prendre
Qu’on se pende ici, qu’on se pende ailleurs
S’il faut se pendre

Je m’suis fait tout petit devant une poupée
Qui ferme les yeux quand on la couche
Je m’suis fait tout petit devant une poupée
Qui fait « Maman » quand on la touche

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Le Bistrot :

Dans un coin pourri
Du pauvre Paris,
Sur un’ place,
L’est un vieux bistrot
Tenu pas un gros
Dégueulasse.

Si t’as le bec fin,
S’il te faut du vin
D’ premièr’ classe,
Va boire à Passy,
Le nectar d’ici
Te dépasse.

Mais si t’as l’ gosier
Qu’une armur’ d’acier
Matelasse,
Goûte à ce velours,
Ce petit bleu lourd
De menaces.

Tu trouveras là
La fin’ fleur de la
Populace,
Tous les marmiteux,
Les calamiteux,
De la place.

Qui viennent en rang,
Comme les harengs,
Voir en face
La bell’ du bistrot,
La femme à ce gros
Dégueulasse.

Que je boive à fond
L’eau de tout’s les fon-
tain’s Wallace,
Si, dès aujourd’hui,
Tu n’es pas séduit
Par la grâce.

De cett’ joli’ fé’
Qui, d’un bouge, a fait
Un palace.
Avec ses appas,
Du haut jusqu’en bas,
Bien en place.

Ces trésors exquis,
Qui les embrass’, qui
Les enlace?
Vraiment, c’en est trop !
Tout ça pour ce gros
Dégueulasse!

C’est injuste et fou,
Mais que voulez-vous
Qu’on y fasse ?
L’amour se fait vieux,
Il a plus les yeux
Bien en face.

Si tu fais ta cour,
Tâch’ que tes discours
Ne l’agacent.
Sois poli, mon gars,
Pas de geste ou ga-
re à la casse.

Car sa main qui claqu’,
Punit d’un flic-flac
Les audaces.
Certes, il n’est pas né
Qui mettra le nez
Dans sa tasse.

Pas né, le chanceux
Qui dégèl’ra ce
Bloc de glace.
Qui fera dans l’ dos
Les corne’ à ce gros
Dégueulasse.

Dans un coin Pourri
Du pauvre Paris,
Sur un’ place,
Une espèc’ de fé’,
D’un vieux bouge, a fait
Un palace.

Supplique pour être enterré à la plge de Sète

La Camarde qui ne m’a jamais pardonné
D’avoir semé des fleurs dans les trous de son nez
Me poursuit d’un zèle imbécile
Alors cerné de près par les enterrements
J’ai cru bon de remettre à jour mon testament
De me payer un codicille

Trempe dans l’encre bleue du Golfe du Lion
Trempe, trempe ta plume, ô mon vieux tabellion
Et de ta plus belle écriture
Note ce qu’il faudrait qu’il advînt de mon corps
Lorsque mon âme et lui ne seront plus d’accord
Que sur un seul point, la rupture

Quand mon âme aura pris son vol à l’horizon
Vers celle de Gavroche et de Mimi Pinson
Celles des titis, des grisettes
Que vers le sol natal mon corps soit ramené
Dans un sleeping du Paris-Méditerranée
Terminus en gare de Sète

Mon caveau de famille, hélas n’est pas tout neuf
Vulgairement parlant, il est plein comme un œuf
Et d’ici que quelqu’un n’en sorte
Il risque de se faire tard et je ne peux
Dire à ces braves gens « poussez-vous donc un peu »
Place aux jeunes en quelque sorte

Juste au bord de la mer, à deux pas des flots bleus
Creusez si c’est possible un petit trou moelleux
Une bonne petite niche
Auprès de mes amis d’enfance, les dauphins
Le long de cette grève où le sable est si fin
Sur la plage de la corniche

C’est une plage où même à ses moments furieux
Neptune ne se prend jamais trop au sérieux
Où quand un bateau fait naufrage
Le capitaine crie « je suis le maître à bord »
Sauve qui peut, le vin et le pastis d’abord
Chacun sa bonbonne et courage

Et c’est là que jadis à quinze ans révolus
À l’âge où s’amuser tout seul ne suffit plus
Je connus la prime amourette
Auprès d’une sirène, une femme-poisson
Je reçus de l’amour, la première leçon
Avalais la première arête

Déférence gardée envers Paul Valéry
Moi l’humble troubadour sur lui je renchéris
Le bon maître me le pardonne
Et qu’au moins si ses vers valent mieux que les miens
Mon cimetière soit plus marin que le sien
Et n’en déplaise aux autochtones

Cette tombe en sandwich entre le ciel et l’eau
Ne donnera pas une ombre triste au tableau
Mais un charme indéfinissable
Les baigneuses s’en serviront de paravent
Pour changer de tenue et les petits enfants
Diront « chouette, un château de sable »

Est-ce trop demander sur mon petit lopin
Plantez, je vous en prie une espèce de pin
Pin parasol de préférence
Qui saura prémunir contre l’insolation
Les bons amis venus faire sur ma concession
D’affectueuses révérence

Tantôt venant d’Espagne et tantôt d’Italie
Tous chargés de parfums, de musiques jolies
Le Mistral et la Tramontane
Sur mon dernier sommeil verseront les échos
De villanelle, un jour, un jour de fandango
De tarentelle, de sardane

Et quand prenant ma butte en guise d’oreiller
Une ondine viendra gentiment sommeiller
Avec moins que rien de costume
J’en demande pardon par avance à Jésus
Si l’ombre de ma croix s’y couche un peu dessus
Pour un petit bonheur posthume

Pauvres rois pharaons, pauvre Napoléon
Pauvres grands disparus gisant au Panthéon
Pauvres cendres de conséquence
Vous envierez un peu l’éternel estivant
Qui fait du pédalo sur la vague en rêvant
Qui passe sa mort en vacances
Vous envierez un peu l’éternel estivant
Qui fait du pédalo sur la vague en rêvant
Qui passe sa mort en vacances

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Tombe de Mer Brassens (cimetière de Sète)