Arthur Rimbaud……

Pour moi,uniquement pour moi (mais je laisse les commentaires ouverts au cas où…..)

Arthur Rimbaud (1854 – 1891)

Le  »garnement sublime »

Ernest Delahaye, Portrait de Rimbaud, 1872, Charleville-Mézières, musée Arthur Rimbaud. En agrandissement, le portrait d'Arthur Rimbaud par Ernest Pignon-Ernest, 1978, ADAGP.5 ans ! On peut compter sur les doigts d’une main le nombre d’années qu’il fallut au tout jeune Arthur Rimbaud pour révolutionner la poésie. En 5 ans, il avait tout dit, et lui qui affirmait  » adorer la liberté libre  » devint cet  » homme aux semelles de vent  » que seule la mort put arrêter.

Suivre ses traces pour mieux comprendre le refus absolu de toutes contraintes d’un gavroche qui vécut sa vie et sa passion de l’écriture comme des aventures toujours renouvelées.

Paterne Berrichon, La ferme de Roche (Ardennes), s.d. En agrandissement, la maison Rimbaud, Jean-Jacques Lefrère/Flammarion.

Cette  » sale éducation d’enfance  »

Arthur Rimbaud est le fils d’un » fantôme  », Frédéric Rimbaud

Frédéric Rimbaud ?

. Fier capitaine, il a fait carrière en Algérie, où il a appris l’arabe. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’a pas la fibre paternelle : après avoir épousé Vitalie Cuif au cours d’une permission en Ardennes ( où je suis né !), il quitte le domicile conjugal, quelques heures à peine avant la naissance d’Arthur, le second enfant du couple, le 20 octobre 1854.

Hameau de Roche, village de Chuffilly-Roche — Ferme de Roche, Vitalie Rimbaud-Cuif, mère d'Arthur, vers 1880. L'agrandissement montre le portrait de Paul Demeny, ami et confident de Rimbaud, vers 1890.Vitalie Cuif ?

Vitalie Cuif ?

Vitalie ne le reverra que tous les deux ans, le temps d’avoir deux autres filles conçues à chaque permission avant qu’il ne disparaisse totalement dans la nature. Il ne croisera plus jamais ni ses enfants ni sa femme, qui signe  » veuve Rimbaud  » longtemps avant le décès de cet époux éphémère. Mais pas question de se laisser abattre : Vitalie est une femme de tête qui va élever seule ses garçons et filles dans sa ferme ardennoise de Roche, malheureusement dynamitée par les Allemands en 1918.

 » La mère Rimbe  » se montre dure, exigeante,  » aussi inflexible que soixante-treize administrations de plomb  ». Elle ne comprend guère ce fils qui se plaint de son manque de liberté :  » Enfermé sans cesse dans cette inqualifiable contrée ardennaise, ne fréquentant pas un homme, recueilli dans un travail infâme, inepte, obstiné, mystérieux …. Elle a voulu lui imposer le travail, perpétuel, à Charleville ! Une place pour tel jour, disait-elle, ou la porte !  » (Lettre à Paul Demeny, 1871).

Vue et lycée de Charleville, Albert Capaul, 1886-1888, Charleville-Mézières, Archives départementales.
Charleville

Rêver son enfance:

Dans  » Les Déserts de l’amour  », Arthur Rimbaud fait le récit de ce rêve qui le ramène dans le cadre familier de la maison maternelle : …
 » Avertissement : Ces écritures-ci sont d’un jeune, tout jeune homme, dont la vie s’est développée n’importe où ; sans mère, sans pays, insoucieux de tout ce qu’on connaît, fuyant toute force morale, comme furent déjà plusieurs pitoyables jeunes hommes. (…)
C’est certes la même campagne. La même maison rustique de mes parents : la salle même où les dessus de porte sont des bergeries roussies, avec des armes et des lions. Au dîner, il y a un salon, avec des bougies et des vins et des boiseries rustiques. La table à manger est très-grande. Les servantes ! Elles étaient plusieurs, autant que je m’en suis souvenu.

– Il y avait là un de mes jeunes amis anciens, prêtre et vêtu en prêtre, maintenant : c’était pour être plus libre. Je me souviens de sa chambre de pourpre, à vitres de papier jaune : et ses livres, cachés, qui avaient trempé dans l’océan !
Moi j’étais abandonné, dans cette maison de campagne sans fin : lisant dans la cuisine, séchant la boue de mes habits devant les hôtes, aux conversations du salon : ému jusqu’à la mort par le murmure du lait du matin et de la nuit du siècle dernier  » ( » Les Déserts de l’amour  », vers 1871).

Fuir, vite !

Si  » la mother  » attend que ses fils l’aident aux travaux de la ferme, elle n’hésite pas à leur payer des études dans une Institution privée avant de les inscrire, faute de moyens, au collège de Charleville. Très vite, Arthur s’y fait remarquer par le principal :  » Rien de banal ne germera dans cette tête ; ce sera le génie du Mal ou celui du Bien  ».

Arthur Rimbaud et son frère Frédéric lors de leur première communion, 1866, Paris, BnF. L'agrandissement présente une carte postale ancienne du collège de Charleville, XXe siècle, Charleville-Mézières, musée Arthur Rimbaud.En attendant, c’est un élève extrêmement brillant qui jongle avec le latin et revient avec les couronnes en carton doré du concours académique de 1870. Sa mère n’y trouve que peu de satisfaction, expliquant à son professeur de rhétorique au sujet des  »Misérables  » de Hugo, qu’il est  » dangereux de lui permettre de pareilles lectures  ».

Heureusement le jeune enseignant Georges Izambard ….

Georges Izambard

…..ne l’écoute guère, tout à son admiration pour les poèmes étranges que lui fait passer Arthur, sûr de sa vocation :  » Maintenant, je m’encrapule le plus possible. Pourquoi ? Je veux être poète. … Les souffrances sont énormes, mais il faut être fort, être né poète, et je me suis reconnu poète. Ce n’est pas du tout ma faute  » (Lettre à Georges Izambard, 1871). C’est lui également qui permettra à l’adolescent de sortir de prison, après sa première fugue (1870) justifiée ainsi :  » Je meurs, je me décompose dans la platitude, dans la mauvaiseté, dans la grisaille  ».

Arthur Rimbaud, Lettre à Georges Izambard (détail), 1870.
La  » lettre »

Pour s’évader, Rimbaud écrit, beaucoup. Il tire de cette production 22 poèmes qu’il confie, en octobre 1870, à son ami Paul Demeny 

Paul Demeny 

; poèmes qui deviendront les  »Cahiers de Douai  ». Mais la guerre est là qui ravage les Ardennes et met fin au lycée. Arthur peut enfin profiter d’un peu de liberté pour travailler tranquillement, dans le grenier de Roche, à un de ses plus célèbres poèmes, » Le Dormeur du val » :  » C’est un coin de verdure où chante une rivière….  ». Il a juste 16 ans.

‘Ce Quelqu’un  »

C’est avec ce surnom que Paul Mallarmé

Mallarmé

évoque Rimbaud dont il dresse ici le portrait :
 »Je ne l’ai pas connu, mais je l’ai vu, une fois, dans un des repas littéraires, en hâte, groupés à l’issue de la Guerre  »le Dîner des Vilains Bonshommes  », certes, par antiphrase, en raison du portrait, qu’au convive dédie Verlaine.  » L’homme était grand, bien bâti, presque athlétique, un visage parfaitement ovale d’ange en exil, avec des cheveux châtain clair mal en ordre et des yeux d’un bleu pâle inquiétant  » (citation de Paul Verlaine

Paul Verlaine

 tirée des Poètes maudits, 1884). Avec je ne sais quoi fièrement poussé, ou mauvaisement, de fille du peuple, j’ajoute, de son état blanchisseuse, à cause de vastes mains, par la transition du chaud au froid rougies d’engelures. Lesquelles eussent indiqué des métiers plus terribles, appartenant à un garçon. J’appris qu’elles avaient autographié de beaux vers, non publiés : la bouche, au pli boudeur et narquois n’en récita aucun  » (Médaillons et portraits, 1896).

Henri Fantin-Latour, Un Coin de table, 1872, Paris, musée d'Orsay. Paul Verlaine et Arthur Rimbaud sont assis à gauche.
repas littéraires ?

 » Venez, chère grande âme…  »

Pour le tout jeune adolescent, c’est le temps de l’engagement : il  »conspue  » l’armée, la bourgeoisie et le  » patrouillotisme  », préférant apporter son soutien aux Communards qui se battent alors à Paris. A-t-il lui-même participé au soulèvement ?

Photographie de Rimbaud âgé de 17 ans par Étienne Carjat, 1871 ; agrandissement : autre photo de Rimbaud attribuée à Cajart vers 1870 ou 1871 (musée Rimbaud à Charleville)Rien n’est moins sûr, mais on n’a aucun doute sur sa seconde fugue, quelques semaines à peine après la première. Direction Charleroi où le directeur du journal le renvoie à ses chères études, puis Bruxelles et Douai où on le retrouve entre deux gendarmes envoyés par  » Mother  ». Qu’importe ! En février 1871, il reprend le train pour Paris, bien décidé à faire publier sa poésie.  » On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans  » ! C’est un nouvel échec : le retour se fait à pied.

Totalement habité par la création, Rimbaud tente alors d’expliquer à ses amis, dans les fameuses  » Lettres du voyant  », sa façon inédite d’appréhender la poésie. En septembre, il tente un coup audacieux en écrivant directement à son idole Paul Verlaine, déjà connu pour ses Poèmes saturniens (1866) et Fêtes galantes (1869). La réponse ne tarde guère :  » Venez, venez vite, chère grande âme… on vous désire, on vous attend !  »

Rimbaud se précipite, emportant dans ses bagages un poème obscur et stupéfiant,  » Le Bateau ivre  », dans lequel il donne à ses recherches poétiques l’image d’un voyage périlleux qui lui permet finalement de se  » baigner dans le Poème de la Mer  » :

‘ Comme je descendais des Fleuves impassibles,
Je ne me sentis plus guidé par les haleurs :
Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.

J’étais insoucieux de tous les équipages,
Porteur de blés flamands ou de cotons anglais
Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages,
Les Fleuves m’ont laissé descendre où je voulais 
 »….

Albert Cros, page titre de l'Album zutique, 1871.

Un ouragan à Paris

C’est une véritable tornade qui arrive en septembre 1871 chez le discret Paul Verlaine, employé de mairie de 27 ans, marié seulement depuis un an avec la jeune Mathilde. Accueilli à bras ouverts, Rimbaud ne reste pourtant pas longtemps dans la maison familiale, les beaux-parents n’appréciant peu le comportement de ce malotru,  »terrible d’aspect  » et fort mal élevé.

Portrait de Rimbaud par Paul Verlaine, 1872 ; agrandissement : portrait de Verlaine par Frédéric Bazille en 1867.En admirateur inconditionnel de ce  » génie qui se lève  », Verlaine le soutient et s’empresse de le présenter à ses amis poètes contestataires du  »club des Vilains bonshommes  » puis du  »Cercle zutique » qui l’entraîne dans de folles soirées de boisson et d’écriture. Il en résultera un Album zutique pour lequel Rimbaud et Verlaine s’amusent à rédiger parodies et œuvres décalées comme un certain  » Sonnet du trou du cul  ».

C’est une période faite d’excès où l’arrogant Rimbaud finit par se fâcher avec tous, allant même jusqu’à blesser d’un coup de canne-épée le journaliste Étienne Carjat

Étienne Carjat

auquel il doit pourtant sa photographie la plus célèbre. Verlaine est emporté par ce tourbillon qui va détruire sa famille et sa réputation. Il néglige son fils âgé de quelques mois et, alcoolique devenu violent, manque d’étrangler Mathilde qui demande le divorce.

La décision ne surprend personne puisqu’il est de notoriété publique que les deux poètes entretiennent une relation amoureuse, tapageuse certes, mais indiscutable. On a vu, explique un journal, Verlaine donner  » le bras à une charmante personne, Mlle Rimbaud  ». Il est temps de repartir……..

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Tombe de Rimbaud ( mort le 10 novembre 1891 à Marseille) au cimetière de Charleville-Mézières.

2 réflexions sur “Arthur Rimbaud……

  1. Merci ,
    J’ai toujours aimé Rimbaud , d’abord parcequ’il est des Ardennes ( là d’où je viens lol) et aussi parceque sa vie pour le moins  » tumulteuse » est assez intéressante pour l’époque …..
    Bonne journée
    à bientôt
    F.

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