L’Institut Pasteur est inauguré à Paris, le 14 novembre 1888, par le président de la République Sadi Carnot. C’est le premier institut de recherche jamais créé au monde. Il se donne pour objectif l’identification des virus.
Financé par une souscription internationale à hauteur de deux millions de francs, il comble les vœux du savant connu de l’histoire et dont il porte le nom.
La rage de comprendre :
Louis Pasteur est né dans la petite ville de Dôle, dans le Jura, le 27 décembre 1822, dans le ménage d’un riche négociant en tannerie. Bon élève , sans plus, il manifeste d’excellentes dispositions pour la peinture mais y renonce à 19 ans pour se consacrer tout entier à la science, contre l’avis de son père qui préfèrerait le voir reprendre les affaires familiales.
En 1842, il est classé 16e au concours d’entrée à la » prestigieuse » École Normale Supérieure de la rue d’Ulm (Paris). Jugeant son rang ( 16 ème ) insuffisant, il dédaigne d’entrer à l’École et repasse le concours l’année suivante. Cette fois , il est classé 5e. Là , il est satisfait. Il entre à l’École dans la section physique et chimie.
Le chercheur se lance dans la » cristallographie » ? . Avec des moyens de fortune, il met en œuvre la méthode expérimentale qui fera son originalité et sa gloire. Il découvre ainsi l’existence de dissymétries dans la manière dont des molécules de même nature polarisent la lumière. C’est un premier succès qui lui vaut la reconnaissance de ses pairs et un poste de professeur à l’Université de Strasbourg puis de Doyen de l’Université de Lille.
A Lille, il est sollicité par un industriel pour élucider un dysfonctionnement de la fermentation de la bière. Louis Pasteur, à peine âgé de 30 ans, se soucie dès lors de mettre en application ses recherches scientifiques ( » Il n’y a pas de sciences pures et de sciences appliquées, il y a la science et les applications de la science » , écrit-il).
Il découvre dans les jus de fermentation alcoolique et lactique des substances dont il soupçonne qu’elles ont été créées par des microorganismes vivants. De fil en aiguille, ces premiers résultats vont le conduire de la chimie à la biologie puis à la médecine.
Nommé directeur des études à l’École Normale Supérieure, à Paris, il poursuit ses travaux sur la fermentation dans un laboratoire de fortune aménagé dans les combles. Il publie ses premiers résultats dans un Mémoire sur la fermentation dite lactique (1857).
On peut dater de cette année-là le début de la » révolution pastorienne ».
La même année, la France entre dans l’ère industrielle sous l’égide de Napoléon III et en Grande-Bretagne, un savant, Charles Darwin, jette les bases de la théorie de l’évolution dans une lettre mémorable. Aux Indes, une révolte amène les Britanniques à consolider leur domination...
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Un entêtement à toute épreuve
Le succès de Pasteur n’est pas immédiat, loin s’en faut ! Dans les milieux scientifiques, les partisans de la » génération spontanée » dénigrent tant et plus ses assertions. Parmi eux figurent d’illustres savants comme Marcelin Berthelot, Justus von Liebig et Friedrich Wöhler (auquel on doit la synthèse de l’urée). Pour eux, la fermentation se ramène à une réaction chimique en présence d’un catalyseur. Faisant front avec un entêtement exceptionnel, Louis Pasteur va mettre plusieurs années à les convaincre de leur erreur.
Il démontre que les microorganismes responsables de la fermentation, c’est-à-dire de la transformation du sucre en alcool, viennent de l’environnement et ne sont pas créés » ex nihilo » . Il démontre aussi que ces microorganismes – des levures (microchampignons) – utilisent la fermentation pour fabriquer l’énergie indispensable à leur survie en l’absence d’oxygène.
Ces démonstrations passent par d’innombrables expérimentations et la mise au point de procédés innovants et astucieux pour isoler les substances fermentescibles (Pasteur fait par exemple mûrir des raisins en serre, dans sa maison du Jura, à l’abri de l’air ambiant).
Fort de ce savoir-faire expérimental, le savant met au point une technique de chauffage destinée à protéger les liquides tels que la bière ou le lait contre les ferments. C’est la » pasteurisation ».
Elle permet aux industriels d’améliorer les procédés empiriques de fermentation utilisés depuis des millénaires pour la fabrication du vin, de la bière ou du fromage ainsi que les procédés de conservation des aliments.
Ce succès vaut au savant d’être reçu par le couple impérial à Compiègne. La même année, en 1865, il est sollicité par un ancien professeur pour étudier une mystérieuse maladie qui affecte les vers à soie, dans la vallée du Rhône, et ruine la sériciculture ardéchoise.
Le savant met en évidence l’existence d’un » microbe » responsable de la maladie au prix d’un travail acharné, doublé de terribles épreuves personnelles : la perte de trois filles sur cinq enfants et une hémorragie cérébrale qui le laisse partiellement paralysé d’un bras et d’une jambe (sans compter sa démission de l’École Normale Supérieure, où on le juge trop autoritaire).
Le physicien face à l’Académie de médecine :
(Pasteur en 1878 , photo prise par Nadar )
Ses recherches conduisent Pasteur à se rapprocher du domaine thérapeutique. Il lui vaudra ses plus grands titres de gloire mais aussi la haine des sommités médicales, jalouses de l’incursion de ce physicien dans leur domaine de compétence.
Le public découvre qu’il est possible, grâce à l’hygiène, de se protéger contre les maladies transmises par les microbes. Dès 1875, un prestigieux chirurgien écossais du nom de Joseph Lister met en pratique à Edimbourg des procédures antiseptiques d’avant-garde suite à la lecture du mémoire de Pasteur sur la fermentation lactique. ( Il ne manque pas une occasion de rappeler sa dette à l’égard du savant français.)
Celui-ci, orateur de talent, se fait auprès des chirurgiens le chantre de l’asepsie. Il leur prescrit de se nettoyer soigneusement les mains avant d’entrer en contact avec un patient, geste qui paraît aujourd’hui évident… Il s’ensuit une amélioration notable de l’espérance de vie partout dans le monde.
En 1877, Pasteur est conduit à travailler sur le »charbon » , une maladie qui ravage les élevages, en parallèle avec un jeune médecin allemand, Robert Koch. Leurs travaux conjoints démontrent la nature bactérienne de cette maladie.
Dans la foulée, Louis Pasteur étudie le choléra des poules, autre maladie infectieuse, et fait à cette occasion une découverte d’une grande importance : cette maladie, comme vraisemblablement bien d’autres maladies infectieuses de l’animal et de l’homme, peut être prévenue par la vaccination, autrement dit par le procédé mis au point de façon empirique par le docteur Jenner, 80 ans plus tôt, pour immuniser les sujets contre la variole.
En étudiant également la rage, maladie qui affecte les chiens et les renards, et peut se transmettre aux humains, Louis Pasteur confirme l’existence de virus porteurs de la maladie. Beaucoup plus petits que les bactéries, les virus (ainsi baptisés par Jenner d’après un mot latin qui signifie poison) sont invisibles au microscope et, heureusement, ne se multiplient pas d’eux-mêmes dans un milieu de culture.
Fort de ses résultats, le savant développe avec le jeune médecin Émile Roux une méthode en vue d’inventer et de produire des vaccins adaptés à chaque maladie infectieuse, pas seulement la variole.
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Le tournant de la rage :
Ses succès en cascade valent la gloire à Pasteur (y compris une élection à l’Académie française le 8 décembre 1881 au fauteuil d’Émile Littré). Mais la fortune n’est pas au rendez-vous. Le savant, en a , en effet ,déposé des brevets sur ses inventions mais en a cédé les droits à l’État afin de leur assurer la plus grande diffusion possible (c’est ainsi par exemple que la » pasteurisation » est très vite mise en oeuvre jusqu’en Californie).
» Le meilleur » reste à venir: Le 6 juillet 1885, tandis que la France de la IIIe République est à son zénith, Louis Pasteur reçoit dans son cabinet de l’École Normale Supérieure un petit berger alsacien, Joseph Meister (9 ans).
Celui-ci a été mordu par un chien peut-être enragé. Contre l’avis des médecins qui voulaient le garder à l’hôpital, sa mère a obtenu de le conduire auprès du célèbre savant. Elle supplie celui-ci de le vacciner, quels qu’en soient les risques.
Louis Pasteur obtient l’assentiment de deux médecins, le pédiatre Grancher et le docteur Vulpian, spécialiste de la rage. Indifférent au » principe de précaution », il inocule alors à l’enfant un nouveau vaccin mis au point dans son laboratoire par le docteur Émile Roux.
Ce dernier a toutefois refusé de s’associer à l’expérience. Il est vrai que, quelques jours plus tôt, le 22 juin 1885, un premier essai sur une fillette de onze ans, Julie-Antoinette Poughon, n’a pas permis de la sauver.
Après une série de treize longues et douloureuses injections, le petit Joseph sort guéri de l’épreuve au grand soulagement de Pasteur…
( Joseph Meister deviendra plus tard le dévoué gardien de l’Institut Pasteur et lorsque, le 16 juin 1940, des officiers allemands demanderont à se recueillir devant la tombe du grand homme, il choisira de se suicider plutôt que de les laisser entrer.!)
Louis Pasteur connaît un deuxième succès avec la vaccination d’un berger de 14 ans, Jean-Baptiste Jupille, qui s’est interposé au péril de sa vie entre un chien sauvage et un groupe d’enfants.
Avec un » art consommé » des relations publiques, le savant magnifie sa double victoire sur la rage (victoire toute relative sur une maladie marginale, car des chercheurs doutent aujourd’hui que ses jeunes patients aient été mordus par des chiens vraiment enragés et l’équipe pastorienne connut par la suite plusieurs échecs à l’origine de vives critiques
Une réputation planétaire:
Au comble de la gloire, Louis Pasteur satisfait son goût pour les honneurs et les décorations. Mais surtout, il arrive à capter une partie de la générosité populaire au profit de la recherche médicale. C’est ainsi qu’il lance une souscription en vue de fonder l’Institut qui portera son nom. » Il n’est pas une pierre qui ne soit le signe d’une généreuse pensée », dit-il de l’édifice élevé au sud de Paris, dans le quartier de Vaugirard. ( Il le dirigera jusqu’à sa mort, le 28 septembre 1895.)
La France organise des obsèques nationales pour celui que certains désignent avec quelque exagération comme » le plus grand bienfaiteur de l’humanité ». Inhumé dans son Institut, le savant continue d’inspirer ses chercheurs…
Depuis plus d’un siècle en effet, les » Pastoriens » multiplient les découvertes que sont venus couronner huit prix Nobel, dont les professeurs Jacob, Monod et Lwoff en 1965. En 1891, Émile Roux met au point le sérum antidiphtérique. En 1894, Alexandre Yersin isole à Hong-Kong le bacille de la peste. En 1921, Albert Calmette et Camille Guérin mettent au point le vaccin BCG contre la tuberculose. En 1983, le professeur Luc Montagnier et Françoise Barré-Senoussi découvrent le virus du sida …….
( Obsèques de Pasteur )
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