L’écrivain, qui avait fondé «Hara-Kiri» et «Charlie Hebdo», est mort mercredi à l’âge de 90 ans.
François Cavanna, dit «Cavanna», mort mercredi soir à l’âge de 90 ans, a dynamité le conformisme et le bon goût dans la France des années 60-80 avec les magazines Hara-Kiri et Charlie Hebdo, avant de s’imposer comme un écrivain populaire, sensible et truculent.
Grande silhouette de druide aux longs cheveux blancs, voix douce encore étonnée de ces années qui l’ont conduit de l’école à la guerre, Cavanna n’a cessé d’écrire pendant plus de cinquante ans. Journaliste, dessinateur, romancier, auteur de près de 60 livres, il a imposé un humour sans tabou ni limite, qui a influencé des générations de lecteurs.
Fils d’un maçon italien, «le gros Louvi», et d’une Nivernaise, François Cavanna est né le 22 février 1923 à Paris. Mais son berceau, c’est Nogent-sur-Marne (Val-de-Marne) où il grandit dans la petite communauté italienne. «Une enfance merveilleuse», dont il tirera son grand roman, les Ritals, en 1978.
A l’école maternelle, il se prend de passion pour la langue française. «J’ai eu la chance d’être un enfant de pauvres, on nous mettait à la maternelle pendant que les parents travaillaient. J’ai tout de suite été happé par l’écriture, l’imprimé. C’est devenu un vice, n’importe quoi d’écrit, je pouvais pas m’empêcher de le lire», déclarait-il à l’AFP en 2008.
Maçon comme son père, il est raflé en 1943 et expédié à Berlin pour le service du travail obligatoire (STO). Il en gardera une aversion de la guerre, de l’armée, de l’autorité, dont il fera ses cibles préférées. Avec les curés, les sportifs, les chasseurs, les cons ou la corrida. De retour en France après deux ans et demi de camp, il rencontre Liliane, une rescapée de Ravensbrück, qu’il épouse. Mais la jeune femme, «mal ressuscitée» de ses années de déportation, meurt quelques mois plus tard.
Seul et désespéré, il abandonne les petits boulots pour se lancer dans le dessin de presse. Un métier qu’il exerce pendant douze ans. Avec un joli coup de crayon, influencé par Dubout et les comics américains.
VIDEOS. Cavanna, prises de becs et coups de gueule
«Les cons gagnent toujours. Ils sont trop.» Mercredi, les «cons» ont perdu en Cavanna un adversaire infatigable, toujours prompt à croquer et à railler les travers de ses concitoyens. Si «Hara-Kiri» (son «sommet de la connerie») a fait des vagues en kiosque dès les années 1960, le fondateur de «Charlie Hebdo» s’est aussi illustré par ses interventions fracassantes à la télévision.
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Invité par Bernard Pivot sur le plateau d’Apostrophes le 22 septembre 1978, Cavanna sort de ses gonds : «Bukowski, ta gueule !» Charles Bukowski, sulfureux écrivain américain qui cuve sa troisième bouteille de vin blanc, marmonne sans discontinuer. Son invective lancée, Cavanna reprend le fil de la conversation. Mais elle est rapidement parasitée par l’auteur des «Mémoires d’un vieux dégueulasse». Cavanna s’emporte : « Bukowski, je vais te foutre mon poing dans la gueule !»
L’arrivée au pouvoir de François Mitterrand ne fait pas les beaux jours de «Charlie Hebdo», contraint de disparaître dès 1981, faute de lectorat suffisant. «Les gens n’en veulent plus», se plaint Cavanna qui maintient que la critique peut être «constructive». « Comme critique, ils achètent des journaux d’extrême-droite. (…) Les gens qui achetaient des journaux de gauche du temps où la droite était au pouvoir achètent des journaux de droite», fulmine le patron de l’hebdomadaire satirique. Et de conclure, amer et mordant : «C’est bien des cons !»