Poisson d’avril dans un journal belge!


* Source: L Avenir

NIVELLES – L’affaire fera grand bruit : ils osaient encore chanter, la police les a embarqués. Les Acloches-Pieds ne sont décidément pas des enfants de choeur.

Suite à des plaintes de riverains, la police de Nivelles a embarqué hier soir l’ensemble des 88 choristes des Joyeux Acloches-Pieds qui, comme chaque jeudi, répétaient, non sans faire du bruit, dans la crypte de la collégiale Sainte-Gertrude. On le sait, cette chorale mixte réunissant de très belles voix de tous les âges vient chaque semaine troubler le sommeil des nombreux nobles et abbés qui reposent à deux pas, sous de superbes gisants, en les murs de la collégiale… Bien évidemment, ces respectables défunts n’ont plus guère la faculté de faire entendre leurs doléances.

Mais les voix des choristes troublent aussi la quiétude de riverains, bien en vie, parfois forts en gueule, qui déjà voici quelques semaines s’étaient émus d’entendre, et si tôt dans l’année, le carillon d’un glacier ambulant. D’autres se dirent même fâchés des mélodieux sifflements d’un balayeur de rue, pourtant seulement soucieux de couvrir le ronflement de son volumineux aspirateur sur roues.

Depuis, ces riverains ont obtenu gain de cause : à Nivelles, tout bruit est désormais interdit, du 1er janvier au 31 décembre, de 0 h à 24 h. Bref, le silence est (la règle) d’or.

Revenons-en à hier soir. Il était 20 h 30, quelques pinsons rebelles venaient de pousser leurs derniers sifflements, quand les policiers ont débarqué aux abords de la collégiale sans prévenir, sans gyrophares, et surtout sans sirènes, respectant ainsi, au doigt (sur la bouche) et à l’oeil, le nouvel arrêté de police.

L’affaire ne fut pas simple. En effet, les policiers de Nivelles ne peuvent plus à présent jouer ni du sifflet ni du porte-voix : l’ensemble de ce matériel leur a été confisqué, avant d’être neutralisé avec un stock de chewing-gums usagés ramassés sur le parvis de l’hôtel de ville, puis d’être confiné dans un bunker de la pharmacie militaire, aux côtés des lots de boules Quiès.

C’est donc en observant un silence assourdissant que les forces de l’ordre ont interpellé les choristes insoumis qui réclamaient, à choeur et à cri, le droit de faire du bruit. Une fois cernés et maîtrisés, ceux-ci ont encore eu l’outrecuidance d’agacer les agents en improvisant un percutant concert de cliquetis de menottes que ces chanteurs, d’abord gênés aux entournures, ont rapidement adoptées avec un plaisir malin.

«Peu enchanté»

Une fois entassés sans ménagement dans les cellules du commissariat, les choristes ont encore tambouriné pendant quelques heures sur les murs et les grilles des portes, puis, redécouvrant leur vocation première, ont entonné un Silent night

(Douce nuit ) de toute beauté, où l’ironie pointait le bout du nez.

Tard hier, le bourgmestre Huart s’est rendu au commissariat, où il s’est brièvement entretenu avec les choristes. En sortant, il s’est dit «peu enchanté de cette rencontre.» Alertés par des choristes, des avocats ténors du barreau (par ailleurs inquiets qu’on veuille leur couper le sifflet dans les prétoires) devaient donner hier soir tous les apaisements aux responsables de la police.

Les choristes devaient être libérés ce matin après avoir promis, sans doute du bout des lèvres davantage que du fond du choeur, de ne plus jamais chanter qu’en mettant le volume à zéro.