Fastidieux,je sais…..Mais cet article fait suite à mes recherches sur Aragon…..Je le mets surtout pour moi…..Mais vos commentaires sont les bien venus (comme toujours)
C’est peu de dire qu’Aragon était fou d’Elsa. Au centre de son travail littéraire, il lui dédie tout un cycle idolâtre : ‘Les Yeux d’Elsa‘ en 1942, ‘Elsa’ en 1959, ‘Le Fou d’Elsa‘ en 1963 ou encore ‘Il ne m’est Paris que d’Elsa’ en 1964. Alors qu’elle pense regagner la Russie dont elle est originaire, Elsa Triolet, victime d’un spleen poisseux et d’idées morbides, rencontre le poète à la Coupole, un jour de 1928. Elle est admirative de son « paysan de Paris » ; lui de ses yeux et de son esprit. Elle devient immédiatement sa muse. Le soir même, ils entament une vie commune dans la petite chambre numéro 12 de l’hôtel Istria, 29 rue Campagne Première, où Elsa loge depuis des mois. »Tes yeux sont si profonds qu’en me penchant pour boire / J’ai vu tous les soleils y venir se mirer / S’y jeter à mourir tous les désespérés / Tes yeux sont si profonds que j’y perds la mémoire. » Des yeux »lavandes » qui envoûtent et observent la guerre qui les entoure. Car Elsa porte sur le monde un regard singulier et responsable, teinté d’une soif d’amour et d’une volonté farouche de s’engager pour la France.
Les yeux d’Elsa
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Dès leur rencontre, les amoureux de Montparnasse deviennent inséparables. Ils partagent les joies, les peurs de la guerre, l’attente, la Résistance, la clandestinité et enfin, le retour au calme… Muse poétique, Elsa inspire Aragon dans la totalité de ses travaux. Elle le surprend et l’envoûte. Pendant la guerre, l’écriture est pour elle un salut, une manière de survivre et de résister en racontant le quotidien. Ce travail de rédaction journalier motive le poète. »J’ai écrit, effectivement, ‘Aurélien’ quand j’ai vu Elsa commencer à écrire « Le Cheval blanc« . C’est ce spectacle, pour moi extraordinaire en 1941-1942, qui m’a donné le courage d’entreprendre autre chose que les poèmes directs de la période dans laquelle nous étions. Le sujet a été pour moi constamment éclairé à cette lumière d’Elsa », explique-t-il. Dès lors, l’écriture romanesque devient un cri dans le sombre quotidien de la guerre : »Elsa me donnait chaque jour par ce qu’elle me lisait du « Cheval blanc »l’assurance de ce que, même dans les conditions du désastre français, le roman, c’est-à-dire l’écriture indirecte, demeurait la seul expression valable de l’espoir, la preuve de la croyance profonde en la possibilité de changer le monde. »
L’impossible passivité
Pour Elsa, l’action est nécessaire, quoi qu’il en coûte. Malgré l’amour passionné qu’elle porte à Louis, elle est prête à le quitter au nom de la Résistance. Il faut dire qu’en 1943, certaines lois du mouvement clandestin interdisent à tout duo travaillant pour le mouvement de continuer à vivre ensemble. Une telle attitude multipliant par deux le risque de se faire remarquer par la police. Aragon pense que son travail pour la Résistance suffit et qu’Elsa peut se contenter d’écrire. Leur couple serait alors sauvé. Mais sa muse ne l’entend pas de cette manière. »Je ne peux admettre l’idée qu’on arrivera à la fin de cette guerre et que quand on me demandera : Et vous qu’avez-vous fait ? je devrai dire : Rien. » Travailler et quitter Aragon ou rester passive et sauver son amour ? Elsa choisit immédiatement la première solution. Finalement, ils dérogeront à la règle : travaillant tous les deux et continuant de vivre ensemble. Mais cette première décision démontre sa conduite inébranlable face à l’Occupation. Issue d’une famille russe de confession juive, Elsa Triolet sait pourtant les risques qu’elle prend, mais ne capitule pas devant le danger des arrestations et d’une éventuelle déportation.
La Résistance par l’écriture
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